« Avant la fin de cette année, la Tunisie doit combler un trou budgétaire estimé à près de neuf milliards de dinars ». C’est ce qu’a indiqué le Représentant résident de la Société financière internationale (IFC), Georges Ghorra. En précisant qu’il s’agit là d’un chiffre officiel fourni par le ministère des Finances.
Georges Ghorra s’exprimait, lors d’un webinaire organisé, jeudi soir, par l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE). Avec pour thème la « Création monétaire: a-t-on un autre choix dans l’immédiat? » Il a estimé que ce déficit budgétaire risque de se creuser davantage face à la hausse des prix du pétrole et des céréales.
Interrogé sur les mesures à prendre pour combler ce déficit, le Représentant résident de l’IFC a souligné que « les bailleurs de fonds internationaux ont hâte d’aider la Tunisie. Mais ce soutien reste tributaire d’un partenariat crédible ».
« Aujourd’hui, le Fonds Monétaire International (FMI) exige un plan de réformes crédible qui puisse faire l’objet d’un consensus entre la centrale syndicale et le patronat. Il est important que ces deux composantes de la société civile soient parties prenantes dans cet accord pour éviter les erreurs du passé ». Ainsi a-t-il encore insisté.
Et d’ajouter: « En Tunisie, il est déjà arrivé de signer des accords de financement avec le FMI. Et de procéder, à peine quelques semaines après, à un recrutement de trois mille personnes dans le secteur public ».
Solliciter l’aide des « pays amis »
« Le FMI attend aujourd’hui plus d’assurance du prochain gouvernement », explique-t-il. Pour boucler le budget de 2021, Georges Ghorra estime que la Tunisie devrait solliciter l’aide des « pays amis ».
Safouane Ben Aissa, universitaire et économiste s’accorde avec M. Ghorra, pour dire que la Tunisie devrait demander une aide financière auprès des « pays amis » comme l’Arabie Saoudite; et ce, dans le cadre des droits de tirage spéciaux (DTS).
En effet, le DTS est un avoir de réserve international détenu par le FMI. Les pays membres l’utilisent pour compléter leurs propres réserves.
Selon l’économiste, ce mécanisme offre la possibilité aux pays riches de réaffecter leurs DTS au profit des pays pauvres et endettés.
D’après lui, ce mécanisme pourrait être une alternative à la « planche à billets ». Ajoutant que toute création monétaire directe ou indirecte ne fera qu’amplifier davantage le taux d’inflation estimé actuellement à 5,7%.
La planche à billets est une « fuite en avant »
Pour l’économiste et l’ancien administrateur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Moez Laabidi, la « planche à billets » est « un choix de lâche » au sens politique du terme. Soulignant que cette « politique de fuite en avant » est de nature à aggraver l’inflation. De même qu’elle a entraîné une dégradation de la note souveraine de la Tunisie.
Si l’on procède à un financement monétaire direct du déficit budgétaire qui dépasse les 4% du PIB, par la Banque centrale, la Tunisie peut devenir un pays « infréquentable » sur les marchés internationaux, a-t-il prévenu.
Au lieu de recourir à la planche à billets, a-t-il dit, il serait plus judicieux de combattre l’économie de rente et l’économie informelle.
Il faut aussi, a-t-il ajouté, développer le secteur des énergies renouvelables, afin d’alléger la facture énergétique.
L’ancien administrateur de la BCT a, également, mis l’accent sur la nécessité d’imposer des normes de gouvernance au sein des entreprises publiques, estimant que le budget de l’Etat n’est plus en mesure de supporter la mauvaise gouvernance dans ces établissements.
D’après lui, les négociations bilatérales avec le FMI restent une piste à explorer. Mais cela reste tributaire d’un plan de réforme « crédible ».
Le prochain gouvernement est appelé à s’engager sérieusement dans une dynamique de réformes « convaincantes » pour relancer les négociations avec le Fonds Monétaire International, a-t-il encore conclu.
Avec TAP