Moez Labidi, universitaire, économiste, ancien administrateur de la BCT, participait à un webinaire. C’est l’ATUGE qui l’organisait pour débattre de la situation actuelle des finances publiques et des moyens de parvenir à financer les déficits et de boucler le budget 2021. Il s’agissait de discuter de la pertinence de recourir à la planche à billets. Et de présenter des alternatives à cette solution souvent décriée.
Prenant la parole à son tour, Moez Labidi rappelait que la crainte du financement direct concerne son instrumentalisation à des fins électorales. « Si la question s’impose aujourd’hui, c’est parce que la porte du FMI nous est fermée après deux programmes inachevés. Et que les marchés internationaux ne sont plus accessibles. En effet, le taux d’intérêt sur la dette tunisienne dépasse les 15%! » Ainsi souligne Moez Labidi.
Et d’ajouter que le choix de la planche à billets est un choix de lâches décideurs politiques. A savoir:
- Lâcheté face aux syndicats ouvriers pour imposer une bonne gouvernance des entreprises publiques;
- Lâcheté face au patronat pour combattre l’économie de rente qui gagne du terrain;
- Mais aussi, lâcheté face à l’informel et au recouvrement, face aux barons du commerce parallèle et au banditisme organisé;
- Lâcheté face aux blocages administratifs pour développer par exemple les énergies renouvelables.
Par ailleurs, les dépenses d’investissements destinées à améliorer la qualité de vie des citoyens (santé, éducation, transport) sont supprimées en faveur des négociations salariales!
Alors, l’alternative au financement direct serait dans des négociations bilatérales avec certains pays « amis ».
Le nouveau gouvernement devra convaincre le FMI
En outre, Moez Labidi souligne que le FMI n’acceptera pas d’accord avec un gouvernement provisoire. Car il recherche la stabilité puisque son plan s’étale sur trois ans. « Si le gouvernement s’engage sérieusement dans une dynamique de réformes et arrive à convaincre de sa crédibilité, il se pourrait que le FMI nous soutienne. Et ce, en redéployant une partie des droits de tirage spéciaux (DTS) affectés à d’autres pays riches ».
Ainsi, il considère que la dette tunisienne est insoutenable. Parce que notre croissance est anémique et que les taux auxquels nous empruntons sont exorbitants. De plus, le rythme d’augmentation des recettes fiscales est nettement inférieur à l’augmentation du service de la dette. Et cette situation ne peut durer. La seule solution durable est le retour de la croissance, par la relance de l’investissement.
Pour revenir sur les risques engendrés par le financement direct, l’exemple du Venezuela peut être cité. Pays où le président populiste Maduro a affirmé « imprimer les billets pour corriger les inégalités dans le pays ».
L’inflation y est passée de 21% en 2012 à 2719% en 2021. Le salaire minimum passait de 476$ à 2,5$ et ne suffit même pas à acheter 1kg de viande.
L’autre risque est bien la dégradation de la note du pays. Il est également probable que l’accord avec le FMI soit repoussé. Surtout si l’on dépasse le seuil des 3 à 4% du PIB en financement direct.
Ceci donne une petite marge de manœuvre. Particulièrement si le financement direct est dédié à des projets structurants pour l’économie. Et dans lesquels la transition écologique aurait une part importante.