Le parti islamiste Ennahdha, en vigoureux défenseur de la sacro-sainte liberté d’expression, déplore l’incarcération de l’animateur Ameur Ayed. Ainsi que la saisie du matériel de la chaîne Zitouna TV. Retour sur une affaire où la déontologie du métier journalistique fut dangereusement piétinée.
Le parti islamiste d’Ennahdha met en garde contre le fait de s’en prendre aux médias, « notamment la chaîne Zitouna, de s’attaquer aux journalistes et de les incarcérer ou de les poursuivre par des tribunaux militaires « sans raison ». Et ce, en violation flagrante de la liberté de la presse. Il s’exprimait dans un communiqué rendu public, hier jeudi 7 octobre 2021, au lendemain de la réunion de son bureau exécutif. De quoi s’agit-il ?
Arrêté pour un simple poème ?
Bien sur. Mais revenons sur les faits. L’animateur de la chaîne de télévision illégale Zitouna, Ameur Ayed, a été arrêté et incarcéré à la prison civile d’el Mornaguia, à l’aube du dimanche 3 octobre 2021. Et ce, suite à un mandat de dépôt émis le mardi 5 octobre par le deuxième juge d’instruction au Tribunal militaire permanent de Tunis.
On l’accuse, entre autres, de complot contre la sécurité de l’Etat, acte ignoble contre le président de la République. Mais aussi d’attribution de fait inexacts à un agent public et d’appel à la désobéissance et au chaos. Des charges si graves qu’il encoure la peine capitale, selon son avocat maître Samir Dilou. Et ce, « à cause du poème qu’il a récité lors d’une émission diffusée sur Zitouna TV ». Dixit Dilou.
Par contre, le député gelé d’Al Karama, Abdellatif Aloui, qui assistait à l’émission « al Hassad » animée par Ameur Ayed, a été relâché. Alors que le juge d’instruction près le Tribunal militaire de Tunis reportait son audition au 11 octobre; et ce, pour répondre de ses actes suite à cette émission.
Outrances
Ainsi, lors de cette émission diffusée le 1er octobre sur la chaîne Zitouna, M. Ayed dépassait allégrement toutes les lignes rouges. Celles de la convenance, de la déontologie du journalisme et du minimum de respect dû à la fonction présidentielle.
En effet, il critiquait vivement critiqué la nomination de Najla Bouden comme cheffe du gouvernement en ces termes: « Kaïs Saïed s’est caché derrière les jupons d’une femme. Car il n’a pas trouvé un homme pour prendre en charge ce sale boulot. »
Outre d’autres perles du même genre, style le chef de l’Etat est « le frère d’Hitler ». De plus, l’animateur en question a insinué à travers un poème du grand poète Ahmed Matar que le Président est un « enfant illégitime né hors mariage ». Enfin, le Rubicon fut allégrement franchi par cet infâme soi-disant journaliste de pacotille, lorsqu’il traita Abdelfattah Sissi, le président d’un pays frère, de « boucher de l’Egypte ».
Une commission de poètes?
Comble de l’ironie, son avocat Samir Dilou, l’ancien dirigeant au sein du Mouvement Ennahdha, publiait sur sa page officielle un post. Il y indique avoir demandé au deuxième juge d’instruction militaire, lors de sa plaidoirie d’aujourd’hui, de classer l’affaire. Tout en autorisant la remise en liberté du journaliste Ameur Ayed. Et ce, sous prétexte que l’animateur de la chaîne Zitouna n’a fait que réciter un poème.
L’avocat demande même la création d’une commission de poètes, tels que Adem Fathi, Moncef Whaibi et Bahri Arfaoui. Et ce, afin de relire minutieusement le fameux poème d’Ahmed Matar et d’émettre un rapport à la Cour!
Maître Dilou ajoutait également que le président de la République, n’est pas celui qui a soulevé l’affaire. Mais plutôt la sous-direction des affaires pénales qui prenait l’initiative de soumettre un rapport au procureur de la République près le Tribunal militaire. Et ce, pour lui faire part du contenu de l’émission télévisée.
Zitouna TV, une chaîne opaque
La liberté d’expression menacée en Tunisie, pleurniche Ennahdha? Tout le monde sait que Zitouna TV est en vérité le bras médiatique des islamistes de tout bord.
Ne respectant aucune déontologie, injuriant systématiquement sur leur antenne toute voix opposée aux chantres des Frères musulmans, cette chaîne a toujours défié l’Etat. En diffusant ses programmes sans autorisation de la HAICA, car elle était protégée par Ennahdha au pouvoir. De plus, on ignore tout de son financement, n’ayant pas de rentrées publicitaires.
D’ailleurs, les forces de sécurité ont fini par exécuter, mercredi 6 octobre, la décision de saisie du matériel de la chaîne de télévision illégale Zitouna TV. Et ce, en exécution de la décision de la Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA).
Et c’est tant mieux.