La Tunisie devra dévoiler le plus tôt possible une feuille de route claire. De plus, les institutions internationales s’apprêtent à publier, à la fin du mois en cours, leurs rapports. C’est ce qu’a affirmé l’économiste Ridha Chkondali. Tout en estimant que leurs évaluations ouvriront de nouveaux horizons financiers internationaux. Et ce, en cas d’amélioration ou de maintien de la note souveraine du pays.
« Le travail des principales agences de notation, à savoir Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch Ratings, qui observent de près le développement de la situation politique en Tunisie, prend en considération le volet politique et se base sur des données scientifiques pour évaluer et classer les pays », a expliqué l’expert.
Et d’ajouter que la position exprimée, lundi, par le Président de la République Kaïs Saïed, lors de la cérémonie de prestation de serment du gouvernement Najla Bouden, et qui concerne la relation entre la Tunisie, ces agences de notation et les bailleurs de fonds, a suscité l’étonnement au sein des spécialistes en économie.
« Le chef de l’Etat a déclaré que les agences de notation ne peuvent pas nous accorder des notes comme elles veulent, nous ne sommes pas leur élève et elles ne sont pas notre professeur », a rappelé Chkondali.
Pour l’expert, la position du chef de l’Etat pourrait être basée sur la nature des relations dominées par le volet financier qui a lié ces agences aux différents gouvernements post-révolution. « Les deux parties n’ont pas tenu compte des politiques économiques », a indiqué Chkondali, estimant que les propos de Saïed, concernant la nécessité de changer l’approche de classement souverain des agences internationales de notation, ne se basent sur aucun principe scientifique.
Dans une déclaration à l’agence TAP, il a fait une lecture analytique de la nature de la relation entre la Tunisie et les institutions internationales de notation, ainsi qu’avec les institutions financières internationales. Il a également mis l’accent sur les points de divergence entre eux et les moyens à même de rétablir des relations qui pourraient garantir un classement souverain ouvrant des perspectives financières internationales pour le pays.
La note souveraine, une nécessité pour faciliter l’octroi des prêts
Chkondali a rappelé que les agences de notation évaluent la capacité des émetteurs de dette à faire face à leurs engagements financiers et déterminent la capacité des pays à emprunter sur les marchés financiers internationaux. Ces agences permettent également de mesurer le ratio de risque de ces pays et le taux d’intérêt sur les obligations d’État.
Il s’agit de donner aux investisseurs étrangers et aux fonds d’investissement internationaux un aperçu sur les risques d’investissement dans l’achat des obligations dans ces pays, a-t-il indiqué. Et d’expliquer que la dégradation de la note souveraine de la Tunisie, au cours des dix dernières années, est due principalement à l’instabilité politique et à la régression de la plupart des indicateurs économiques et financiers.
D’après lui, la Tunisie a besoin d’améliorer ces indicateurs, au lieu de s’engager dans des questions de méthodologie inutiles qui pourraient refléter l’incapacité du pays à améliorer ses indicateurs financiers et économiques.
L’expert a avancé que la prise de fonction du nouveau gouvernement devra envoyer des messages positifs aux agences internationales de notation qui sont en train de préparer les rapports relatifs aux nouvelles notations du pays.
Il a souligné que les messages positifs pousseront ces agences à revoir leur calcul dans le sens d’une amélioration de la note souveraine de la Tunisie ou au moins de la maintenir, ce qui réduira les difficultés pour mobiliser des ressources extérieures nécessaires au budget de l’Etat pour l’année à venir.
« Le Président de la République doit œuvrer à fixer un délai pour les mesures exceptionnelles et à dévoiler une feuille de route claire pour la période d’après », a-t-il dit.
Sur le plan économique et financier, Chkondali a incité le gouvernement Bouden à ouvrir un dialogue économique et social avec toutes les parties politiques et sociales, ainsi qu’avec les jeunes afin de parvenir à établir un programme détaillé pour convaincre le Fonds monétaire international (FMI) de relancer les négociations.
Et d’ajouter que ces négociations permettront à la Tunisie de préparer le budget de l’Etat pour l’année 2022 dans des conditions favorables (en termes de financement extérieur et direct).
Financement direct : besoin pressant et obligation de prudence
A court terme, le gouvernement Bouden doit parvenir à décrypter la difficile équation qui caractérise le budget de l’Etat pour l’année 2021. Il s’agit de combler le trou financier sans provoquer une hausse vertigineuse des prix, d’autant que les solutions financières semblent limitées.
Pour Chkondali, le gouvernement Bouden n’a plus d’autre choix que de recourir à un financement direct de la Banque centrale pour boucler le budget de 2021, estimant qu’il est difficile actuellement de sortir sur les marchés internationaux et de relancer les négociations avec le Fonds monétaire international, vu que le processus dure cinq mois. Néanmoins, a-t-il souligné, ce financement direct ne doit en aucun cas impacter le pouvoir d’achat des citoyens.
Il a, à cet égard, appelé le gouvernement et la Banque centrale à coopérer afin de mettre en place une approche de financement qui puisse faire face à l’inflation et lutter contre la monopolisation.
Face à cette situation, l’expert a estimé que le gouvernement pourrait réviser la loi organique de la Banque centrale, notamment la politique monétaire qui permet d’augmenter les taux d’intérêt afin de lutter contre la hausse des prix.
Avec TAP