Le 18e Sommet mondial de la Francophonie, prévu les 20 et 21 novembre 2021 à Djerba, est officiellement reporté à l’automne 2022; mais maintenu en Tunisie. Retour sur une affaire qui comporte plusieurs zones d’ombre.
« Le sommet mondial de la Francophonie reste en Tunisie, reste à Djerba. Le conseil permanent de la Francophonie, auquel j’ai eu le plaisir de participer aujourd’hui, vient de décider de laisser l’organisation du sommet mondial de la Francophonie à la Tunisie à Djerba avec un report d’un an. Bravo à la diplomatie tunisienne pour l’excellence du travail effectué pour défendre les intérêts de notre pays. Mabrouk! Djerba 2022 ».
Camouflet ou victoire en demi-teinte ?
C’est par cette annonce laconique que Slim Khalbous, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et actuel recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, a confirmé, via sa page officielle FB, que le conseil permanent de la Francophonie a décidé d’une part le report d’un an et le maintien, d’autre part, de l’organisation du 18ème sommet mondial de la Francophonie. Lequel était prévu à Djerba les 20 et 21 novembre 2021 et qui devrait coïncider avec la célébration du cinquantenaire de la création de la Francophonie. Et ce, à l’automne de 2022, en Tunisie, et plus précisément à Djerba. Sans, toutefois, préciser les raisons de ce énième report.
Pour rappel, la première date de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant la langue française en partage, était fixée au mois de décembre 2020. Mais elle était ajournée en raison de la pandémie de Covid-19.
Ce 18ème sommet devait être l’occasion de célébrer le cinquantenaire de la Francophonie et des pères fondateurs de ce mouvement dont le Combattant suprême, Habib Bourguiba.
Un moindre mal, un camouflet pour notre pays, une victoire en demi-teinte pour la diplomatie tunisienne qui a su éviter le pire? Le boycott de certains pays africains ce qui aurait représenté une gifle pour la Tunisie, l’un des pays fondateurs de la Francophonie?
« S’ils décident de venir, ils seront les bienvenus. S’ils ne viennent pas, libres à eux »
Rappelons que dans un premier temps, le président de la République, Kaïs Saïed, a souligné, lors de sa rencontre le 9 septembre dernier avec la SG de l’Organisation Internationale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, « la détermination de la Tunisie à faire réussir le prochain Sommet de la Francophonie, prévu à l’île de Djerba, et veiller à réunir toutes les conditions nécessaires à sa réussite ». Sachant qu’elle n’avait fait aucune déclaration sur sa rencontre avec le locataire du palais de Carthage.
Un mois plus tard, lors de son discours prononcé lundi 11 octobre à l’occasion de la prestation de serment par les membres du nouveau gouvernement, le chef de l’Etat a assuré sur un ton martial que la Tunisie est prête à recevoir le Sommet de la Francophonie. « Mais qu’elle n’acceptera jamais que cet évènement se transforme en une monnaie d’échange ou un moyen de pression contre la souveraineté de notre pays ». Ajoutant, hautain, « s’ils décident de venir, ils seront les bienvenus. S’ils ne viennent pas, libres à eux ».
Félonie
A cette occasion, Kaïs Saied révélait qu’il détenait des informations, selon lesquelles des Tunisiens, dont l’ancien président Moncef Marzouki, sans le nommer expressément, ont appelé une cinquantaine d’Etats à boycotter ce sommet. Tout en suggérant de le transférer ailleurs. Sous prétexte de l’état d’insécurité et d’instabilité en Tunisie, engendré par « le régime dictatorial » issu des mesures exceptionnelles du 25 juillet et renforcé par le décret présidentiel 2021-117.
Un moindre mal
Les préparatifs avaient-ils pris du retard à Djerba? Les relations tendues entre Alger et Paris ont-elles parasité et pesé sur la tenue de ce sommet? Les dirigeants des pays francophones ont-ils prêté une oreille attentive aux oiseaux de mauvais augure, à l’instar de Marzouki et consort?
Disons pour résumer que le report du sommet et son maintien en Tunisie représentent un succès mitigé pour la diplomatie tunisienne. Son annulation et son transfert dans un autre pays aurait été un désaveu de l’état d’exception instauré par le président Kaïs Saïed. Surtout cela aurait terni l’image de la Tunisie de Bourguiba, l’un des pères fondateurs de la Francophonie.