L’Economiste et universitaire Moez Labidi participait récemment à un webinaire organisé par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE). Et ce, sur le thème: « Le budget et les défis de la mobilisation des ressources ».
Interpellé sur les défis de la mobilisation des ressources budgétaires, Moez Labidi souligne qu’il y a aujourd’hui un problème de sortie de l’impasse financière.
« La recherche de financement pour clôturer le budget est devenue une tradition. Pour 2021, les conditions sont aussi très difficiles pour atteindre cet objectif. Seuls les financements bilatéraux sont possibles. Aujourd’hui, tous les bailleurs de fonds attendent les résultats des négociations du FMI, à l’arrêt depuis une longue période, pour financer la Tunisie. Cela témoigne d’un déficit de confiance et de crédibilité vis-à-vis de l’économie tunisienne et des décideurs », explique Moez Labidi. Et d’ajouter que « le dérapage est devenu la règle ».
Face à la difficulté d’accès aux financements nécessaires, M. Labidi regrette qu’on privilégie la suspension du remboursement des fournisseurs de l’Etat et la baisse des dépenses de développement.
La crédibilité de l’Etat en jeu
L’universitaire explique que ces choix auront une lourde facture sur la qualité des services publics (santé, éducation, transport); et en conséquence du pouvoir d’achat des Tunisiens. La crédibilité de l’Etat est ainsi remise en question!
« Le choix de s’orienter vers les pays frères et amis est lié à la conjoncture économique internationale. Il fera face à l’insoutenabilité de la dette », a-t-il ajouté.
S’agissant du recours à la Banque centrale pour le financement monétaire du budget, Moez Labidi estime que cette option aura aussi une lourde facture. Avec notamment la hausse de l’inflation (reportée de six mois et c’était de le cas du niveau atteint au mois de juin 2021). Ainsi que la dépréciation du dinar et la dégradation de la notation souveraine. Ce choix réduit aussi les chances de la reprise des négociations avec le FMI.
« Il ne faut pas oublier aussi que la croissance enregistrée actuellement dans plusieurs régions du monde aura un effet inflationniste. Parce que les taux d’intérêt vont augmenter à long terme », estime M. Labidi.
Par ailleurs, il souligne que le financement monétaire ne pose pas problème au cas où les besoins en financement seront orientés vers l’investissement. Comme par exemple dans la transition énergétique.
« La sortie sur les marchés internationaux est aujourd’hui très difficile. Actuellement, le taux d’intérêt des obligations tunisiennes cotées sur le marché mondial a atteint, à la date du 13 octobre, 15,74%, soit une prime de risque de 16,75%. C’est un niveau très élevé. Ce qui reflète le manque de visibilité sur le court terme et le niveau de risque de l’économie tunisienne », explique M. Labidi.
Comment financer le budget 2022?
En réponse à cette question, l’universitaire considère que le risque aujourd’hui découle de la monté du discours populiste qui gagne davantage du terrain. »
« Il ne faut pas regarder seulement du côté des recettes. Il faut tenir compte aussi des dépenses, notamment la masse salariale et la compensation. Le risque aujourd’hui est l’insoutenabilité de la dette qui pourrait se transformer en une instabilité sociale en pleine réforme institutionnelle. L’équation sociale pourrait plomber les réformes », alerte M. Labidi.
Pour 2022, l’universitaire fixe trois préalables. A savoir: la nécessité de sortir de la crise financière; de sortir de l’insoutenabilité de la dette; et de se contenter de l’assistance technique du FMI. « Il n’y a pas une volonté d’aller dans ce sens pour sortir de la crise. Des réformes douloureuses nécessitent des sacrifices équitables ».