Un parti politique composé de jeunes adhérents, dirigé par une femme, sans référence religieuse, mais toutefois « un parti conservateur qui préserve l’identité ». Tels sont les contours du nouveau parti, le 210ème en Tunisie depuis la révolution de 2011 s’il voyait le jour, que l’ex-dirigeant nahdaoui, Samir Dilou, rêve de créer. Pour contrer Kaïs Saïed ?
Diversion destinée à détourner l’attention de l’opinion publique sur les divisions internes au sein du parti islamiste Ennahdha? Lequel cherche manifestement à se repositionner sur l’échiquier politique, suite au coup de massue du 25 juillet? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Samir Dilou est un homme politique atypique. Il ne cessera jamais de nous étonner par ses coups d’éclat. Et pour cause.
Pour rappel, Samir Dilou- avocat de son état, ancien membre de l’Assemblée constituante le 23 octobre 2011, ex-ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitoire dans le gouvernement Hamadi Jebali- a été avec Abdellatif Mekki l’un des dirigeants nahdaouis de premier plan à quitter le navire de Montplaisir.
Et ce, en constituant en octobre 2020 le fameux Groupe des 100. Lequel, sacrilège suprême, avait contesté l’autorité pesante du leader historique du parti islamiste Rached Ghannouchi; sans toutefois chercher à tuer le père. Pour le moment.
Le programme populiste et racoleur de Samir Dilou
Dernière trouvaille? Lors d’une interview accordée hier, lundi 18 octobre 2021 à Shems FM, Samir Dilou a dessiné le profil du nouveau parti qu’il souhaite créer. A savoir: une formation politique composée de jeunes adhérents, dirigée par une femme. Cultivant une vision nationale, sans référence religieuse. Mais toutefois « un parti conservateur qui préserve l’identité ».
Une vision utopique de l’exercice de la chose publique? M.Dilou cherche-t-il à couper définitivement les amarres avec l’islam politique en n’ayant plus la religion comme référence tout en préservant le thème de l’identité? L’identité tunisienne ou l’identité arabo-musulmane, l’autre aspect « soft » de l’islamisme de la confrérie des Frères musulmans?
« Je suis en train de discuter avec des amis de toutes sensibilités politiques. Et ce, afin de mettre à jour un parti politique sans référence religieuse et qui sera relativement conservateur. Notamment en ce qui concerne l’identité », affirmait Dilou.
Et de préciser: « Il s’agit d’un nouveau parti présidé par une femme et composé majoritairement de jeunes dirigeants. Avec à la clé une vision nationale qui respecte l’identité. Et dont la politique se résume en une phrase: changer la vie des gens vers le meilleur ».
Le Groupe des 100 transformé en un parti politique cent?
Un parti ouvert à tous? Que nenni! Ce nouveau parti ne devrait pas être « exclusivement » formé par les récents démissionnaires d’Ennahdha. Mais aussi par certains de ses amis qui pourraient en faire partie. Dixit Samir Dilou.
Un lapsus révélateur qui en dit long sur un non dit : il s’agirait en effet d’un nouveau parti « nationaliste » qui sera composé de membre du Groupe des 100, avec des « amis » pour ouvrir des horizons politiques. Et surtout un vernis moderniste avec la jeunesse, la présence d’une femme à la tête du parti. Le tout avec la vague promesse de « changer la vie des gens vers le meilleur ». Vaste programme populiste et racoleur.
Kaïs Saïed en point de mire
Mais pourquoi aujourd’hui? En réponse à l’animatrice sur l’opportunité de créer un nouveau parti dans les circonstances actuelles marquées par l’Etat d’exception, Samir Dilou n’a pas caché son hostilité aux mesures exceptionnelles prises par le président de la République, Kaïs Saïed le 25 juillet. « J’étais avec les mesures du 25 juillet, mais contre les mesures du 22 septembre 2021. Car le chef de l’Etat a utilisé la situation de l’avant 25 juillet 2021 pour faire main-basse sur le pouvoir. Certes, il y avait une vraie crise politique, mais le président de la République en a profité pour changer les règles du jeu ».
Et d’ajouter: « La bataille politique actuelle est entre ceux qui croient en la démocratie, dans laquelle il y a un équilibre des pouvoirs et des institutions. Et ceux qui ont une vision pouvant conduire à un État des masses ». Une référence à la démocratie représentative préconisée par le chef de l’Etat et « qui peut nous conduire à une « Jamahiriya » sans pétrole ». Ainsi ironisait Samir Dilou.