La part de la Tunisie dans le marché de l’Union Européenne ne cesse de maigrir. Elle est à son plus bas niveau depuis 2006, à 0,5% seulement fin 2020. Nous sommes devancés par le Maroc qui dispose de 0,89% de ce marché; et très loin de la Turquie qui en détient 3,65%. Les deux pays, qui ont une structure des exportations similaire à la nôtre, ont pu améliorer leurs parts de marché en 2020 de 0,05% chacun.
En termes de pourcentage, cela l’air d’être ridicule, mais lorsque ces taux sont convertis en dinars, l’interprétation diffère. Il faut savoir que chaque 0,01% de part de marché pèse 5 746 MTND. Et il suffit de les transformer en PIB et en création d’emplois pour comprendre ce que nous sommes en train de rater.
Balance commerciale excédentaire
Ce marché reste donc vital pour nous. Jusqu’à fin septembre 2021, notre balance commerciale avec l’Union Européenne est excédentaire de 1 583 MTND, grâce à 23 827 MTND d’exportations. 70,9% de nos marchandises envoyées par la Tunisie à l’étranger sont absorbés par ces pays qui sont notre poumon commercial.
Les avis que nous entendons et qui réclament la nécessité de réviser l’accord de libre-échange, voire d’y mettre fin, afin de préserver notre tissu industriel sont tout simplement à côté de la plaque. L’accord en question a permis à des secteurs d’émerger et a, naturellement, causé la mort d’autres. Les industries sinistrées, à l’instar du textile, ne pouvait plus résister car nos petites usines sont techniquement obsolètes et leurs structures de coût ne leur permettent plus de résister à la concurrence. En même temps, celles qui ont investi et suivi les tendances ont pu rester au niveau local et international.
Cela ne veut pas dire que nous devons nous contenter du marché européen. Nous devons aussi nous adresser à d’autres. En pratique, ces ambitions prennent du temps car les problèmes qui nous empêchent d’améliorer notre présence sur le marché européen sont les mêmes qui limitent nos exportations ailleurs. Il faut avoir les liaisons aériennes et maritimes, obtenir des financements auprès des banques, avoir l’assurance, gérer les tarifs de frets qui sont à des niveaux exorbitants, investir en technologies 4.0, respecter les normes environnementales, être présent dans les salons et les grandes foires, etc. Tout cet effort doit être fourni sur de longues années pour espérer générer un business récurrent et rentable.
Goulots d’étranglement partout
En même temps, il faut avouer que nous avons un double problème d’innovation et de compétitivité. L’innovation ne provient pas de l’incapacité de nos jeunes à créer; mais plutôt à trouver le soutien financier et la transformation des prototypes en produits commercialisables. Nos industriels n’osent pas prendre de risque, car ils ne trouveront personne pour les soutenir s’ils perdent leur pari. Nous sommes donc des suiveurs, qui se content de satisfaire un carnet de commandes.
Le second est la compétitivité sur tous les plans. Par rapport à un pays comme la Turquie, nous avons une forte devise. La force d’Istanbul c’est qu’elle a pu doper sa productivité de sorte à profiter de la baisse de sa monnaie. La Tunisie, et lors de la dégringolade du dinar en 2017-2018, en a perdu. Et par rapport aux autres pays, comme le Maroc ou l’Egypte, nous avons plus de contraintes administratives et logistiques.
Libérer le pays des goulots d’étranglement doit être la ligne directrice de toute stratégie nationale. Il ne faut pas être un surdoué pour relancer la croissance.