Des forestiers du Nord-ouest de la Tunisie ont appelé les autorités à créer une agence autonome de gestion des parcs nationaux. Ces sites très riches en biodiversité sont de plus en plus fragiles et exposés à de multiples menaces.
Rencontrés dans le cadre d’une formation organisée par le Bureau du WWF-Afrique du Nord à Tunis, sur « le rôle des médias dans la conservation de la biodiversité en Tunisie », ces forestiers très compétents et férus de nature. Ils expliquent aux médias que les parcs nationaux relèvent de plusieurs départements à la fois. Ce qui complique leur gestion, la rend inefficace et crée un chevauchement des rôles.
Ainsi, interviewé au cœur du parc national de Oued Ezzen (Aïn Draham), un havre de paix dans la verdure, Noureddine Azizi, chef de l’arrondissement des forêts à Tabarka, déclare qu’« une gestion inefficace de ces sites naturels pourrait mener à leur dégradation et à des pertes énormes en biodiversité dans le contexte actuel des changements climatiques. Il devient de plus en plus urgent de créer une structure administrative et financière autonome pour ne plus freiner les interventions et les actions de développement des parcs nationaux en Tunisie, faciliter leur labellisation et leur permettre une visibilité à l’international ».
« Il faut que les interventions soient ciblées et appropriées et parfois immédiates pour mieux protéger les richesses en biodiversité du pays », a-t-il développé.
Passionné et dynamique, cet homme de terrain a expliqué que le parc national de Oued Ezzen (Jendouba) d’une superficie d’environ 6 700 hectares, constitués principalement, de forêts de chêne-zéen, renferme à l’instar de tous les parcs nationaux (17 parcs), une faune et une flore très riches et une dynamique spatio-temporelle du vivant qui devrait être suivie de près et d’une manière régulière, pour empêcher sa dégradation et parfois l’extinction de certaines espèces.
« En plus d’un budget de gestion, cela nécessite la mobilisation de spécialistes, experts en faune et flore, l’engagement de scientifiques et aussi, l’ouverture sur les milieux académique et de la recherche », estime M. Azizi.
Un suivi minutieux est requis
Selon Lazhar Hamdi, chargé du contentieux au sein de l’arrondissement des forêts de Ain Draham et parfait connaisseur du milieu forestier, la conservation des milieux naturels ne pourrait être efficiente que si des experts de la faune et de la flore effectuent une analyse des données corroborée par des observations minutieuses sur le terrain et que de telles actions soient mieux coordonnées.
La gestion du parc nécessite la présence à proximité d’hommes de terrain et aussi de moyens et d’une logistique appropriés, estime M. Hamdi. Ainsi, il plaide en faveur de l’instauration d’un tarif d’accès aux parcs nationaux, pour pouvoir financer une partie des actions de conservation de la biodiversité et pour la formation de guides de tourisme alternatif, parmi les jeunes de la région.
En effet, M. Hamdi, qui connait le parc de l’Oued Ezzen, comme sa poche, craint un déclin de la biodiversité dans ce lieu paradisiaque. Celui-ci est situé dans un domaine climatique tempéré, le plus humide en Tunisie.
D’ailleurs, un phénomène de dépérissement des arbres est devenu de plus en plus visible. Et ce, à cause de la sécheresse et de la faiblesse du bilan hydrique sur le côté sud du parc.
Le parc national de l’Oued Ezzen, géré actuellement, par la direction régionale des forêts, à Ain Draham, relève de la chaîne montagneuse de Kroumirie. Il se caractérise par ses arbres denses de chêne-liège et abrite plus de 700 espèces végétales, plus de 25 espèces de mammifères, plus de 70 espèces d’oiseaux et plus de 25 espèces d’amphibiens et des milliers d’insectes.
Un réservoir de biodiversité à protéger
Les forêts qui s’étendent de Ghar Dimaou à la zone de Mogods, constituent un réservoir de biodiversité et jouent un rôle très important de lutte contre l’érosion du sol, protègent les ouvrages hydrauliques (parcours et barrages) et représentent un lieu de stockage et de recyclage du carbone, via une régénération naturelle. Sur le plan économique, la forêt de Ain Draham assure, à elle seule une production de chêne-liège, estimée à 70 000 quintaux de liège par an. Soit 90% de la production nationale, répartie sur trois régions Jendouba, Bizerte et Béja.
Elle produit 80 000 m² de bois par an, soit 40% de la production nationale et offre aussi, une production d’huiles essentielles, dont 3,6 tonnes d’huile essentielle de basilic.
Pour la population locale, estimée à 200 000 habitants, ce milieu naturel joue un rôle social important, puisqu’il fournit des produits forestiers dont l’exploitation est autorisée par la loi et des fourrages pour l’élevage et permet aussi, de créer des emplois dans le cadre des chantiers saisonniers de cueillette de liège.
Toutefois, les parcs nationaux et beaucoup de sites naturels en Tunisie restent exposés à diverses atteintes et menaces, dont le surpâturage, les incendies, la surexploitation, le braconnage ou encore les effets désormais irréversibles des changements climatiques.
Avec TAP