La pandémie de la COVID-19 est encore loin d’avoir pris fin. L’heure des bilans n’a pas encore sonné, alors que le virus a déjà fait plus de cinq millions de morts dans le monde. Pourtant, il est déjà possible de souligner que la lutte contre cette pandémie et les impératifs de santé publique ont montré que la plupart des Etats étaient mal adaptés pour faire face à des urgences sanitaires de cette ampleur. En outre, la lutte contre la pandémie revêt des aspects éthiques qui n’ont pas encore été assez appréciés. Et ce, alors que les sociétés n’étaient pas forcément prêtes pour une telle épreuve morale.
Le corps humain représente un enjeu de pouvoir, un objet de « domination » et de régulation. La notion foucaldienne de « biopolitique » a prouvé toute sa pertinence durant la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la COVID-19.
Elle renvoie précisément à cette forme d’interventionnisme et de contrôle du pouvoir politique étatique sur le vivant, sur le corps de l’individu (sur son hygiène, sa santé, sa reproduction, sa mortalité, etc.) et l’application de ses procédures aux populations (et non plus aux individus en tant quel tels).
L’emprise du savoir/l’expertise technique et de l’appareil bureaucratique de l’État conduit à l’élaboration de normes juridiques qui représente une réponse normative au défi biologique. Cette réalité a pris toute sa portée dans la lutte contre la pandémie.
Lutte contre la pandémie et libertés individuelles
La lutte contre le coronavirus a été animée par la problématique de la circulation et du contrôle des corps. A travers notamment: le « traçage sanitaire »; les campagnes nationales de vaccination; et la question de la mise en place d’un certificat « standardisé » de vaccination, voire d’un « passeport vaccinal ». Et a ainsi suscité nombre de questions éthiques.
Outre des dispositifs successifs de confinement mis en œuvre, l’exigence de consentement a suscité des débats plus aigus au sujet de la vaccination. En éthique médicale, solliciter le consentement d’une personne, c’est la reconnaître dans son autonomie et ses droits, respecter l’expression de son choix libre et éclairé.
L’obligation vaccinale traduit la tension entre la légitimité de l’intervention publique et le respect des libertés et droits fondamentaux. Tels que le droit à la vie, l’inviolabilité et l’intégrité du corps humain que peuvent recouvrir le respect à la vie privée, la liberté fondamentale du consentement libre et éclairé du patient.
Lutte contre la Covid-19 et puissance des industries biotechnologiques
La pandémie s’inscrit dans un contexte de globalisation économique marqué par la montée en puissance des multinationales des biotechnologies et de la pharmacie. Or celles-ci opèrent une privatisation du savoir qui érige le vivant en général et la ressource génétique humaine en particulier, en produit sur le marché.
Ainsi, transformé en une ressource biomédicale au profit du soin d’autrui (sang, tissus, cellules, etc.) ou de la recherche (sujet d’essai clinique), le corps est aujourd’hui soumis aux enjeux de la globalisation du monde médical. Si le vivant est devenu un objet d’intérêt des sciences économiques, le développement (du marché) des biotechnologies et de la brevetabilité du vivant engendrent ainsi une « bioéconomie ».
Or, la compétition économique et scientifique mondiale charrie un triple risque de glissement du biopouvoir en faveur de multinationales des biotechnologies et de la pharmacie, de patrimonialisation du corps humain. En cela, le principe d’indisponibilité du corps humain se trouve menacé par l’immixtion de logiques de profit.
Lutte contre le coronavirus et éthique médicale
La logique « éthique », lorsqu’elle est appliquée aux sciences et à la médecine du vivant, tend à inclure indifféremment l’éthique médicale proprement dite (c’est-à-dire l’exigence d’une certaine forme de comportement de la médecine au service du malade) et la bioéthique.
Or, l’évolution d’une médecine hautement technicisée et étroitement liée au progrès de la science, ainsi que les avancées dans le domaine des sciences biologiques ont été à l’origine de situations inédites et conflictuelles, en particulier sur le plan des valeurs. Elles ont suscité la naissance d’un nouveau champ de réflexion qui dépassait la compétence des seuls professionnels de la santé et la traditionnelle sphère ou éthique médicale.
Dans la mesure où les technosciences biomédicales intéressent la sphère du vivant dans sa globalité (y compris l’être humain), que les enjeux ne se limitent pas à la pratique de la médecine et au rôle des médecins, l’approche pluridisciplinaire de la bioéthique s’avère plus légitime pour appréhender de tels enjeux. La « bioéthique » échappe au traditionnel monopole du pouvoir médical en matière d’éthique médicale. Elle poursuit un objectif de régulation des pratiques médicales, jusqu’alors essentiellement confiée à la profession médicale, dont l’autorégulation professionnelle se traduit par l’édiction de règles/codes éthiques et déontologiques de bonne conduite.