Les relations très tendues entre les deux géants du Maghreb semblent accélérer fatalement la course à l’armement. En parallèle de la guerre diplomatique à laquelle se livrent Alger et Rabat, les deux belligérants s’activent frénétiquement pour acquérir plus d’armes de défense, mais surtout des armes de combat. Ravivant ainsi les tensions dans la région.
S’oriente-t-on vers une escalade des tensions qui pourrait aboutir à un conflit armé? Un quatrième round dans l’interminable guerre des Sables?
Déjà, révèle le site d’information militaire Menadefense, l’Algérie faisait récemment l’acquisition de missiles auprès des Russes et des Chinois. Objectif: booster sa défense côtière, jusque-là équipée d’un matériel devenu obsolète. De plus, elle passait une commande de 24 drones chinois, baptisés Wingloong.
De son côté, le royaume chérifien n’est pas en reste. Puisque les forces armées royales viennent récemment, selon le site Africa Intelligence, de passer une commande de drones auprès de la Turquie. Il s’agit d’une flotte de douze drones armés de type Bayraktar TB-2, fabriqués par la compagnie turque Bayka.
Mais que pèsent les armées des deux pays et quel est l’état de leurs forces militaires respectives?
Parité stratégique
Selon Emmanuel Dupuy, spécialiste des forces armées des deux pays à l’Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE), il existe une « parité stratégique » entre les deux belligérants. Même si l’armée algérienne est numériquement parlant moins nombreuse que l’armée marocaine. Soit 130 000 militaires contre 310 000. C’est sans compter les 150 000 réservistes en plus des 190 000 forces paramilitaires algériennes. Contre 150 000 réservistes et 50 000 forces paramilitaires pour le Maroc.
Toujours selon la même source, l’Algérie consacre beaucoup plus en termes de dépenses militaires que le Maroc. A savoir: 90 milliards de dollars entre 2010 et 2020 pour l’Algérie. Alors que le Maroc a budgétisé 35,6 milliards de dollars, sur la même période.
Equilibre
En ce qui concerne les forces aériennes, l’Algérie disposait déjà d’avions russes Sukhoï 34. Et elles vont disposer bientôt de Sukhoï 57, les derniers modèles de la marque.
Quant à elles, les forces marocaines disposaient déjà de F-16 et ces avions sont mis à jour. Et elles disposent désormais des derniers modèles de F-16.
Pour les chars de combat, on compte près de 2000 chars russes pour l’Algérie, contre 3000 chars américains pour le Maroc. « Si la quasi-totalité des chars algériens sont de fabrication russe, la Russie a confirmé il y a quelques mois sa volonté de vendre également au Maroc des chars (60 chars T-72). La Russie joue sur les deux tableaux dans ce domaine-là ». Ainsi explique l’expert militaire français.
Pour ce qui concerne les systèmes de défense anti-aérien sol-air, le Maroc est équipé des systèmes américains Patriot. Soit l’équivalent russe du système S-300 pour l’armée algérienne.
Parité aussi dans le domaine des radars. En effet, Français et Américains ont fourni l’armée marocaine. Tandis que Chinois et Russes équipaient l’armée algérienne.
Rivalité américano-russe
A la question de savoir quels sont les soutiens et les fournisseurs de ces deux armées, Emmanuel Dupuy rappelle qu’il y a une longue tradition de formation, d’entraînement et d’équipement quasi-exclusivement russe vis-à-vis de l’Algérie. « L’Algérie devrait être le premier client des nouveaux avions de chasse russe Sukhoï 57. Lesquels n’ont encore jamais été vendus à l’export. Il est évidemment compliqué, même si c’est en train de changer un peu, que les forces armées algériennes bénéficient de matériel militaire français ou en tout cas américain.
En contre partie, la France et les États-Unis fournissent plutôt exclusivement les forces armées marocaines. La raison est simple: le Maroc a, depuis 2004, le titre d’allier majeur non-membre de l’OTAN. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. »
Rappelons dans ce contexte que toutes les tensions sont réunies pour rendre les relations entre les deux frères-ennemis exécrables.
D’abord, la normalisation des relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv. Et ce, en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara occidental. En plus du dérapage d’un diplomate marocain qui appelait à l’autodétermination de la Kabylie. Ces tensions ont déjà entrainé la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Ensuite, la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions marocains aggravait la situation. Avec de plus l’arrêt de l’approvisionnement de l’Espagne via le gazoduc Maghreb-Europe dont une partie passe par le Maroc.
De toute évidence, le Rubicon semble avoir été allégrement franchi.