L’attaque par un élève de son professeur, ces jours derniers, au collège d’Ezzahra a suscité une campagne de presse et des grèves justifiées des enseignants. Surpris et en colère, les Tunisiens dénoncent et s’interrogent : comment est-on arrivé à cette situation ? Comment-a-t-on manqué de respect à ses professeurs ?
L’étude de la violence scolaire est désormais à l’ordre du jour. Peut-on parler d’un cas unique, d’une exception ? De fait, des petites incivilités aux – rares – faits divers tragiques, la violence s’est imposée dans le paysage scolaire tunisien. Ne perdons pas de vue la violence exercée par quelques élèves sur eux-mêmes. Le nombre de suicides d’élèves le confirme.
Ce phénomène s’est manifesté dans de nombreux pays, dans des conditions particulières, dans une précarité socio-économique et/ou dans des difficultés scolaires? Il a suscité de nombreuses études. Plusieurs facteurs sociaux sont considérés comme responsables de la violence en milieu scolaire : la crise économique, le chômage, la banalisation de la violence par la télévision, mais aussi le cinéma, la littérature, les zones défavorisées qui connaissent une montée de la violence, le manque de communication verbale.
Des causes liées à la société
Maryse Vaillant, ancienne psychologue à la Protection judiciaire de la jeunesse, en France, affirme : « De nombreux adolescents vivent dans l’immédiateté. Ils se révèlent incapables de contrôler leurs pulsions. S’ils sentent qu’autour d’eux, les mailles du filet se distendent, parce que la famille se décompose ou parce que les professeurs sont exténués, ils sont tentés de passer à l’acte : agression d’un enseignant, viol, racket, mais aussi suicide – car c’est avant tout contre eux-mêmes qu’ils expriment leur agressivité », insiste-t-elle.
Selon le psychiatre Philippe Jeammet, grand spécialiste français de l’adolescence, la violence scolaire est liée « à la plus grande liberté d’expression accordée aujourd’hui aux enfants, liberté qui, par ailleurs, permet d’avoir des individus plus ouverts, plus curieux, plus entreprenants ».
Autre explication : la marginalisation d’une partie de la population par l’émergence de la société de consommation. C’est bien parmi les enfants des catégories sociales les plus défavorisées que se dégagent les élèves les plus violents. Conclusion évidente, les causes de la violence en milieu scolaire sont liées à la société.
Responsabiliser les élèves
Fait évident, en Tunisie, la violence scolaire s’est développée dans notre ère post-révolution. Peut-on adopter la thèse du psychiatre Philippe Jeammet et expliquer le développement de la violence par le climat de liberté instauré par la révolution ?
Nous l’expliquons, quant à nous, par notre situation actuelle, avec une société qui a perdu ses repères et qui en cherche d’autres. Elle ne sait pas si elle va les trouver. Elle est dans cette même dimension d’incertitude, d’attente, d’ouverture des possibles.
De ce point de vue, on fait valoir volontiers, comme solution, les moyens de prévention ayant trait à l’école qui portent sur l’organisation des activités parascolaires pour impliquer les élèves et améliorer le climat, une plus grande implication des enseignants et des chefs d’établissements scolaires, la réduction du nombre d’élèves par classe et l’emploi d’un psychologue ou d’un travailleur social dans l’école. Il s’agirait, en fin de compte, de responsabiliser les élèves, de les accompagner par une équipe de pédagogues.
Mais cela nous paraît bien insuffisant. Dans le cas tunisien, les dérives de la crise politique ont créé un environnement de violence où l’agression verbale l’emporte trop souvent sur la parole raisonnée.
Fait aussi important, la dépréciation des intellectuels, par les nouveaux pouvoirs post-révolution, n’a pas manqué d’atteindre les enseignants, désormais détrônés dans l’échelle de valeurs. De ce fait, la solution qui ne peut qu’être globale devait être étudiée par les instances internationales.