Pour Kaïs Saïed, il y a un moyen de faire taire ses adversaires: communiquer sur ses projets. Car, ses adversaires, et même ses interlocuteurs, ne semblent pas vouloir lâcher le morceau! Et il y a urgence.
A regarder la chaîne qatarienne Al Jazeera, il y a évidemment de quoi croire que tout le peuple tunisien s’est rangé, le 14 novembre 2021, ou presque, du côté de tous ceux qui contestent les mesures exceptionnelles du 25 juillet 2021 prises par Kaïs Saïed. Cela est de bonne guerre. Et tout le monde a aujourd’hui assez d’expérience et d’arguments pour analyser les contenus de cette chaîne connue pour soutenir orbi et urbi les mouvements islamistes.
Mais, cela n’empêche pas encore une fois de dire que l’on ne cesse de prêter le flanc aux critiques venant de ceux que la chaîne qatarienne glorifie. Car, il est de plus en plus admis qu’en ne communiquant pas assez clairement sur ce qu’il compte faire pour rétablir de l’ordre dans un pays, le nôtre, qui n’a que trop souffert d’une décennie (2011-2021) faite de travers et de déceptions, Kaïs Saïed pourrait renforcer les rangs de ses adversaires. Lesquels ont, et pour l’essentiel, fait du pays ce qu’il est aujourd’hui. Avec son cortège de faux choix, de mauvaise gestion au niveau des affaires de l’Etat.
Cependant, il ne s’agit pas –tout le monde en convient- de nier les bienfaits et le bien-fondé de l’œuvre salvatrice qui a consisté à débarrasser des pans entiers de la société tunisienne d’un bâti on ne peut plus défaillant des années 2011-2021 avec donc ses échecs et dérapages cuisants.
Il s’agit là d’un constat facile à établir lorsqu’on observe les réactions jusqu’à récemment tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Réactions qui n’ont pas mis l’accent sur les mesures du 25 juillet 2021. Mais plutôt sur le processus à mettre en branle pour leur donner une vraie forme.
Un programme bien ficelé
Car, aujourd’hui tout le monde attend ce que Kaïs Saïed compte faire au niveau de ce processus. Il s’agit même pour beaucoup, dont notamment pour nos partenaires étrangers, qui peuvent mieux nous aider à sortir de l’état où nous nous trouvons, d’une réelle exigence.
Et ce, pour au moins deux raisons. La première réside dans la nécessité de réconforter tous ceux qui continuent de s’interroger sur les tenants et aboutissants de la prochaine étape. Cela s’appelle tout simplement une feuille de route. Avec des intitulés, des objectifs et des délais d’exécution.
Et inutile de préciser que tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, les acteurs politiques et économiques, dont le Fonds Monétaire International (FMI), qui constitue un passage obligé, se comportent comme, et pour reprendre une expression connue, Saint Thomas qui ne croit, à ce qu’on sait, que ce qu’il voit.
Et il ne s’agit pas nullement de présenter des fragments de discours ou des annonces fractionnées. Mais bien un discours entier et un programme bien ficelé qui peut être exécuté. Même s’il peut comporter des imperfections.
Comme il ne s’agit pas aussi de crier à l’ingérence puisque l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui a condamné l’ingérence étrangère, a demandé cette feuille de route. Et on ne le dira sans doute jamais assez: les différents interlocuteurs du Palais de Carthage, qu’il s’agisse de ceux de l’intérieur comme ceux de l’extérieur, ne lâcheront pas de toute évidence le morceau, tant qu’il n’y aura pas de feuille de route.
Le temps de l’économie est court et irréversible
Deuxième raison? Il se fait sans doute tard. Il y a pour ainsi dire urgence de ce côté des choses. Le gouvernement Bouden est installé depuis début octobre 2021 sans que l’on sache son programme, notamment économique. Tout le monde ne peut que se rendre compte du danger que comporte cette démarche. Est-ce normal qu’à la mi-novembre on ne sache pas, par exemple, à quelle sauce sera mangée, pour utiliser une formule connue, la loi des finances complémentaire 2021?
Dans un de ses éditoriaux, notre directeur, Hédi Mechri, disait, en juin 2019, à juste titre que le temps de la politique n’était pas celui de l’économie. En précisant que « le temps de la politique, à l’instar du temps démocratique est long, sinueux et pour tout dire aléatoire. Le temps de l’économie est court et irréversible ».
Il est sans doute bon de le rappeler encore maintenant.