Dans son article récemment publié par un hebdomadaire yéménite, Rached Ghannouchi semble réorienter son discours. De peur que la justice déterre les casseroles du parti islamiste Ennahdha?
Cet homme, Rached Ghannouchi, est incorrigible. Même s’il faut lui reconnaitre une qualité: la persévérance dans l’entêtement stérile.
Ainsi, préférant comme à l’accoutumée s’adresser à l’étranger, en snobant les médias locaux, Rached Ghannouchi cherche apparemment à se présenter devant l’opinion publique internationale comme un défenseur acharné de la démocratie et des acquis de la Révolution. Tout en fustigeant son ennemi juré, Kaïs Saïed. Lequel est coupable à ses yeux d’avoir mené un « coup d’Etat » contre les institutions légitimes. Et notamment le pouvoir judiciaire, afin d’accaparer en une seule main tous les leviers du pouvoir.
Mais n’est-il pas paradoxal, voire grotesque, que l’homme le plus détesté de la Tunisie, tous les sondages l’attestent, ose mettre en doute la légitimité de son adversaire. Sachant que ce dernier jouit contre vents et marées d’une insolente popularité?
Mea culpa
Dans un long article intitulé « Comment lire l’événement du 25 juillet », publié mercredi 17 novembre sur les colonnes de l’hebdomadaire yéménite Al-Raii Al-Am, le leader du mouvement islamiste Ennahdha et ex-président du Parlement gelé reconnait pourtant « les erreurs politiques » commises par son parti. Et ce, dans la gestion de la dernière décennie dominée par la troïka. Ainsi que les douteuses alliances, notamment avec le CPR de Moncef Marzouki, et plus tard avec Qalb Tounes du sulfureux Nabil Karoui.
« Une bouffée d’oxygène »
Un surprenant mea culpa tardif. D’autant plus que le cheikh admet que « les décisions présidentielles du 25 juillet, intervenant dans un contexte opportun, répondent aux aspirations du peuple tunisien. Elles constituent une bouffée d’oxygène pour les Tunisiens asphyxiés par une crise sanitaire et économique ».
Illustration parfaite de la duplicité. Sinon pourquoi en faire un cheval de bataille pour combattre férocement l’initiateur de cette « bouffée d’oxygène » ?
Mais, se reprend-il tout de suite, « même si ces mesures exceptionnelles répondaient aux aspirations du peuple tunisien; nous craignons toutefois l’instauration d’une dictature en Tunisie. A l’instar de ce qui s’est passé en Amérique du Sud ». On en tremble!
Faisant référence aux mesures exceptionnelles du 25 juillet et celles du 22 septembre, Rached Ghannouchi soupçonne le Président de s’être servi de la crise sociale, politique et économique pour mettre en place son plan. Au risque d’une « prise du pouvoir par les militaires en Tunisie ».
« La Tunisie était sous le joug de la dictature de Ben Ali. Avant de basculer vers une transition démocratique, puis retomber de nouveau sous le régime du populisme », argue-t-il.
Et de poursuivre: « Certains considèrent que le coup d’Etat du 25 juillet représente la fin de l’islam politique. Nous considérons, à contrario qu’il s’agit d’une victoire pour les forces contre-révolutionnaires. Ils ont seulement gagné une bataille mais pas la guerre ».
Que cache ce ton conciliateur ?
A qui la faute? « Le Président n’est pas connu pour sa politique d’exclusion. Néanmoins, son entourage le pousse dans cette direction », fait-il observer.
Ce nouveau ton, apparemment conciliateur, de la part du cheikh de Monplaisir ne cache-t-il pas sa crainte de voir la justice, enfin libérée de la mainmise pesante de Noureddine Bhiri, exhumer les cadavres cachés dans les placards d’Ennahdha? Et ce, à l’instar des assassinats politiques non élucidés, des réseaux secrets opaques d’Ennahdha, des passeports falsifiés? Et surtout de milliers de jeunes tunisiens sacrifiés comme chair à canon dans les zones de tension?