Après la Méditerranée, c’est la Manche, cette mer qui relie la France et l’Angleterre, qui se transforme en cimetière marin. Au moins 31 migrants viennent de trouver la mort dans le naufrage de leur embarcation. L’Europe cet espace en paix, stable, qui ouvre un champ des possibles pour les nouveaux damnés de la Terre, se transforme en enfer pour eux.
Les vagues successives de migrants qui viennent s’écraser sur les frontières de l’Europe s’accompagnent de leur lot de morts. Le tout sur fond de déshumanisation des migrants et d’absence de solution politique constructive.
L’Europe pas à la hauteur de ses valeurs
En Europe, toute perspective d’« accueil » de quelques milliers de migrants suscite automatiquement une hystérie politico-médiatique. Laquelle est prompte à renforcer l’approche irrationnelle du phénomène migratoire. Comme si le spectre d’un « grand remplacement » des peuples européens était devenu plus qu’un fantasme. Mais une réalité bien ancrée dans un imaginaire collectif déconnecté du réel. Chaque épisode ressuscite une même angoisse, un même système de représentation associant le migrant à une menace existentielle.
Ainsi, les Européens ne sont pas jusqu’ici à la hauteur de leur responsabilité et de leurs propres valeurs. Quant aux outils existants aux niveaux national et européen en matière d’immigration régulière, ils n’apportent pas de solution globale et efficace aux problèmes soulevés par les phénomènes migratoires récents.
Alors, un renforcement des ambitions de cette politique est nécessaire. Pour les pays européens, ces flux massifs et continus sont un défi à leurs politiques d’asile et d’immigration. Cependant, la vision anxiogène qui prévaut annihile toute logique de solidarité entre les peuples. Pourtant, le droit international oblige les Etats à respecter les impératifs humanitaires devant la tragédie des naufrages de migrants.
La séquence actuelle est significative. Effectivement, le « front européen anti-migrants » constitue une source d’unité dans une Europe profondément divisée par ailleurs. Ainsi, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, soutenait la récente décision de la Pologne de construire un « mur anti-migrants » le long de la frontière avec le Bélarusse. Preuve du caractère superficiel de la grille de lecture binaire et manichéenne (« progressistes versus nationalistes ») qu’avait tenté d’imposer le président Macron au sujet de l’échiquier politique européen. Et cruelle ironie de l’histoire, aujourd’hui. Puisque la pression migratoire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie conduit les Européens à faire bloc derrière les dirigeants conservateurs-identitaires au pouvoir à Varsovie. Dirigeants que les institutions de l’Union poursuivent par ailleurs pour non-respect de l’Etat de droit…
L’obsession de l’immigration en France
Quant à la France, la question de l’immigration est devenue obsessionnelle depuis les années 1980. Le choc pétrolier et ses conséquences économiques a changé la donne en matière de politique migratoire.
C’est donc le président Giscard d’Estaing qui interrompt en 1974 l’immigration de nouveaux travailleurs. Il met en place des aides financières au retour (sans succès) et… défend l’idée d’un renvoi massif de travailleurs immigrés.
Le contexte est alors propice au durcissement progressif de la législation en matière d’entrée et de séjour des étrangers en France. Car la conjugaison d’une crise sociale (avec un chômage structurel et massif) et d’une crise des idéaux collectifs de substitution (déclin du marxisme) ont aiguisé le développement d’un sentiment de vulnérabilité dans la société française.
Ainsi, la fameuse « pression migratoire » et le discours lancinant sur les arrivées massives d’immigrés relèvent plus du fantasme que de la réalité. Dans ce sens, la France n’est pas le pays d’Europe recevant le plus de demandes d’asile, loin s’en faut. De plus, l’aide médicale d’Etat n’insuffle nul « appel d’air ». Contrairement à ce qu’insinuent des membres de la majorité et de l’opposition de droite.
Bref, le spectre de l’instrumentalisation du thème de l’immigration est bien réel. Au point de s’interroger sur le choix et de la signification politique de ce débat. Et s’il ne s’agissait là que d’un aveu de faiblesse d’une majorité au pouvoir en mal de résultat?
Les immigrés et les « Français d’origine » sont jugés responsables des problèmes de la France. De même, doit-on le rappeler, les migrants, ce sont aussi ces milliers de médecins qui peuplent nos hôpitaux publics, au service de la santé des Français et aux avant-postes de la lutte contre la pandémie…