Lors du lancement de la campagne de sensibilisation sur le travail de soin non rémunéré des femmes tunisiennes, OXFAM Tunisie a publié les résultats d’une étude intitulée: « Et s’il y avait une grève dans les foyers? : étude sur l’impact du travail de soin non rémunéré ». L’événement avait eu lieu aujourd’hui, 25 novembre, à Tunis.
D’après l’étude élaborée par Oxfam en Tunisie en partenariat avec AFTURD, les femmes passent entre 8 et 12 heures par jour dans le travail de soin non rémunéré (indépendamment de leur âge, leur situation familiale et économique, et leur lieu de résidence), contre 45 minutes en moyenne pour les hommes (indépendamment de leur situation familiale et économique). En d’autres termes, elles y passent entre 33% et 50% de leur budget-temps quotidien, contre 3% pour les hommes. L’étude considère que la valeur du travail domestique des femmes est évaluée à 47,4% du PIB du pays. Selon les résultats et conclusions de l’étude budget-temps en Tunisie (2005/2010), publiée par le Ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes Âgées, la valeur de ce travail non rémunéré est estimée à 23,8 Milliards de Dinars Tunisiens.
Le travail de soin non rémunéré désigne toutes les activités qualifiées de travaux reproductifs ou domestiques au sein des foyers sur une base non marchande. Bien que ce travail soit essentiel à l’équilibre de la société et l’épanouissement de la famille, les normes sociales patriarcales d’un côté et les politiques sexistes de l’Etat d’un autre coté rendent ce travail sous-estimé, invisible et non reconnu.
Et pourtant les inégalités persistent
Malgré les avancées en matière d’égalité de genre en Tunisie, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent encore. Notamment en relation avec la répartition des rôles et des responsabilités assumés au sein de la famille. En effet, ces responsabilités sont majoritairement assumées par les femmes.
Un travail qui pèse lourd sur les femmes !
Cette charge de travail de soin non rémunéré des femmes entrave l’accès des femmes aux opportunités économiques et contribue, ainsi, directement à la féminisation de la pauvreté. En effet, le temps passé dans le travail de soin non rémunéré prive les femmes de l’accès aux opportunités de développement de capacités, la participation à la vie publique et l’accès aux espaces de décision.
Le travail de soin non rémunéré a un énorme impact sur la santé et le bien-être des femmes. Selon l’étude réalisée par Oxfam en Tunisie, la charge mentale, invisible, incalculable, est considérable pour les femmes qui prennent en charge la gestion du quotidien, de la famille, des repas, etc.
En ce qui concerne les femmes qui ont un travail rémunéré, elles font une « double journée » : elles assument l’intégralité des activités de soins, en plus de leur travail à l’extérieur du foyer. Malgré la participation croissante des femmes à l’emploi salarié, il s’avère selon les résultats de l’étude que le temps que les hommes dédient aux tâches domestiques et familiales reste considérablement faible en comparaison avec le temps passé par les femmes dans ces tâches. Ainsi, la participation des femmes dans le domaine professionnel ne les dispense pas des responsabilités – morales et physiques – liées au travail de soins non rémunéré.
Par ailleurs, l’absence des services publics de soin ou la difficulté d’y accéder (Exemple : accès à l’eau, services de garderie d’enfants, centres pour personnes à mobilité réduite ou à besoins spécifiques …) alourdie encore plus la pression sur les femmes pour la réalisation de ce travail.
Les recommandations d’Oxfam :
Les causes et conséquences de la répartition inégale du travail de soins non-rémunéré sont nombreuses et inter-reliées. En tenant compte des résultats de la présente analyse, les recommandations proposées pour autonomiser les femmes et améliorer leur bien-être sont articulées selon les quatre axes de travail qu’Oxfam priorise.
En effet, Oxfam recommande: d’accroître la reconnaissance du travail de soins; de réduire le fardeau qu’il constitue; de redistribuer plus équitablement les responsabilités associées entre les hommes et les femmes, et entre les ménages, l’État et le secteur privé; et de garantir la représentation des personnes prenant en charge les activités de soins dans les prises de décision et les postes de leadership.
Les recommandations présentées ci-dessous visent quatre acteurs principaux : l’État, la société civile, le secteur privé et les bailleurs de fonds. Oxfam en Tunisie appelle donc tous les acteurs mentionnés à façonner l’avenir des soins en Tunisie. Mais principalement le gouvernement dont le rôle est de catalyser et promouvoir le changement, adopter et mettre en œuvre des politiques de soins, et investir dans l’économie de soins, en tant que moyen d’accomplir la justice de genre.
D’après communiqué