L’association Tunisian Smart Cities a organisé fin novembre 2021 une conférence-débat sur le thème “ Sécurité & Souveraineté numérique ” en présence de l’amiral à la retraite, Kamel Akrout, ancien premier conseiller à la sécurité nationale du président défunt Béji Caid Essebsi.
La souveraineté est aujourd’hui au cœur du débat. Le choc massif et brutal produit par la pandémie de Covid-19 a mis en lumière les problèmes et vulnérabilités économiques préexistants.
Les États sont confrontés à la réalité d’une interdépendance planétaire. De ce fait, chaque nation œuvre aujourd’hui à se doter des moyens nécessaires pour renforcer sa souveraineté, et cela s’applique à une variété de domaines parmi lesquels l’alimentaire, l’industrie, le financier, l’éducation et le sanitaire. Or, le développement dans chacun de ces secteurs repose désormais avant tout sur le numérique.
A l’heure de l’émergence extraordinaire du digital, la disponibilité des data en très grands volumes, l’essor de la Smart City, etc. c’est bien le numérique qui est le moteur de la grande révolution que nous sommes en train de vivre.
S’approprier des technologies digitales permettent aux nations de maîtriser son destin sur les réseaux informatiques, de se réinventer et de se différencier face à une concurrence devenue mondiale.
Et c’est justement dans ce cadre que s’inscrit la conférence-débat organisée samedi 27 novembre 2021 par l’association Tunisian Smart Cities (TSC) au Coworking Business Center à Bizerte sur le thème « Sécurité et souveraineté numérique » en présence de l’amiral à la retraite Kamel Akrout, ancien premier conseiller à la sécurité nationale auprès du président Béji Caïd Essebsi.
La sécurité nationale et la souveraineté numérique vont de pair
L’amiral retraité de la marine tunisienne, dans sa présentation, a expliqué l’évolution conceptuelle et historique de la sécurité nationale, ses fondements et ses enjeux. Il a également montré l’importance de la sécurité des systèmes d’information pour faire face aux cybermenaces et renforcer la souveraineté numérique.
» En Tunisie, le concept de la sécurité nationale trouve sa source et son fondement historique dans les textes juridiques adoptés sous le règne de l’ancien régime, mais aussi suite aux évènements de 2011. La constitution tunisienne du 27 janvier 2014 dans son article 77 a rendu le concept de sécurité nationale encore plus visible et compréhensible. C’est la capacité d’un Etat à protéger ses citoyens, son territoire, sa souveraineté dans la prise de décision en utilisant tous les moyens en sa possession. « , affirme-t-il.
Il a poursuivi » Plusieurs paramètres ont été pris en compte lors de l’élaboration des textes juridiques liés à la sécurité nationale. Au sommet, figuraient les changements politiques au niveau national après 2011, avec l’apparition de nouvelles aspirations, de nouvelles attentes et surtout de nouvelles menaces et de nouveaux défis. Il est désormais clair que notre sécurité dépend aussi de celle de nos voisins car le danger terroriste est partout. « .
Revenant sur la notion de souveraineté numérique, l’amiral Akrout a indiqué « Cela implique la capacité de l’Etat à pouvoir maîtriser l’ensemble des ressources dans le cyberespace contre d’éventuelles interférences notamment étrangères, et par conséquent à agir de manière indépendante en particulier dans des domaines stratégiques à son développement.
Avec l’explosion du digital qui a multiplié les opportunités de développement, la gestion de la sécurité des systèmes d’information est devenue un enjeu crucial et pose de réels défis politiques, juridiques et techniques. Cela implique la vigilance vu les dangers et menaces que peuvent porter les grands flux de messages qui circulent entre les utilisateurs du monde entier, la possibilité d’une politique agressive de diffusion massive d’information ou de désinformation, aussi l’accès à tous les réseaux qui y sont reliés, aux satellites de communications, aux ordinateurs personnels connectés, etc. »
La Tunisie doit investir dans les compétences numériques
Selon l’amiral Akrout, » En plus des défis et menaces, l’espace cybernétique présente d’innombrables avantages et opportunités. L’intelligence artificielle fait désormais partie de notre présent et certainement de notre futur. Le défi consiste à pouvoir avancer et suivre le rythme des techniques et outils innovants en changeant notre façon de penser, de nous former, de travailler et d’utiliser les données. Il est devenu crucial d’intégrer l’intelligence artificielle et les technologies innovantes dans l’éducation afin d’améliorer la personnalisation de l’apprentissage. Au lieu de redouter l’émergence des tendances et innovations intelligentes qui vont transformer les emplois futurs, il faut plutôt préparer les apprenants à cette réalité. Il est temps de réformer notre système éducatif en vue de l’adapter aux besoins du marché mondial de l’emploi et permettre à nos enfants d’affronter les défis du 21ème siècle. »
African Digital Hub, pour une Afrique souveraine et autonome
Une des pistes de recherche sur l’innovation urbaine en lien avec les notions de la sûreté et de la souveraineté numérique est le concept de la Green Data City développé par l’association TSC et ses partenaires. Cela consiste en la superposition des infrastructures numériques avec les plans d’aménagement urbain. On instaure ainsi un nouveau paradigme en lien avec l’aménagement numérique des territoires.
Lors de son intervention, Borhene Dhaouadi, président de l’association, a mis en exergue l’importance de la souveraineté numérique pour les pays du sud de la Méditerranée, soulignant la nécessité de tirer profit de la position géographique et géo-numérique de la Tunisie, en l’occurrence de Bizerte, au centre de la méditerranée, pour créer un hub numérique mondial.
Il a précisé » Les défis urbains auxquels nous sommes actuellement confrontés nous emmènent à évoquer les notions de la propriété des infrastructures numériques et la souveraineté de la Data locale.
La ville de demain devra avoir la main sur ses infrastructures numériques et ses données afin qu’elle puisse les traiter, les valoriser et agir en cas de problème très rapidement et en proximité. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet ambitieux African Digital Hub qui propose une solution pour la protection des données africaines.
« Bizerte devra être la première pierre de l’édifice. Nous travaillons actuellement, dans le cadre du programme national Tunisian Smart Cities, à accueillir une Green Data City à Bizerte, en profitant d’une offre de coffre-fort numérique hyper-sécurisée et des installations de la base militaire existantes. Bizerte devra être un des quatre points cardinaux numériques qui devront connecter le continent africain au reste du monde à côté de Djibouti à l’Est, la Guinée à l’Ouest et l’Afrique de Sud au Sud ».
Les villes qui auraient le label Green Data city seraient dotées de zones d’atterrissage de câbles sous marins (CLS – Cable landing stations) connectées par une boucle locale d’interconnexion à des sites pouvant accueillir des Data Centers avec des offres de stockage de données qui correspondent aux besoins des opérateurs de datas internationaux.
Des programmes de recherche autour du digital décarboné pourraient être développés en plus de ceux liés au business de la data en général (IA, IoT, …). «