Deux figures de la gauche tunisienne, Mongi Rahoui et Hamma Hammami, sont, soit dans le soutien inconditionnel au projet politico-sociétal du président de la République, soit dans le rejet quasi épidermique. Analyse.
Il est le Dernier des Mohicans. Le député gelé, Mongi Rahoui– un authentique homme de gauche, connu pour son intégrité et sa droiture, surtout pour avoir combattu comme un lion au sein de l’hémicycle les desseins obscurantistes d’Ennahdha- est parmi les derniers soutiens du président de la République, Kaïs Saïed. Lui qui semble se complaire dans l’exercice solitaire et enivrant du pouvoir, quitte à faire le vide autour de lui. Certes, il jouit encore d’un soutien populaire massif; mais l’Histoire nous aura appris que la vox populi est par nature versatile.
Les sous-marins d’Ennahdha
Ainsi, l’ancien militant d’Al Watad et indéfectible défenseur du chef de l’Etat, soutient, à contre-courant, que Kaïs Saïed combat le mouvement islamiste d’Ennahdha en démantelant « l’appareil secret et la police parallèle des Frères musulmans ».
La preuve? La série de limogeages et mises en retraite opérée par le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine; et qui touchait des cadres sécuritaires. Lesquels étaient en contact direct avec des rapports sensibles et des communications téléphoniques ultra secrètes. En réalité, ils étaient des sous-marins au service du parti de Rached Ghannouchi, au sein même du ministère de l’Intérieur.
« La disgrâce qui a frappé Béchir Akermi est une des retombées du 25 juillet. Les mutations dans les ministères, les départs de conseillers et responsables d’obédience islamiste sont des signes positifs dans les affaires des assassinats politiques. Ainsi que concernant l’appareil secret et la police parallèle contrôlés par les islamistes ». Ainsi s’exprimait Mongi Rahoui, hier lundi 6 décembre au micro de Khouloud Mabrouk dans son émission 90 minutes sur IFM.
Importantes mesures en vue
D’autre part, l’élu du Courant démocrate avait exprimé la certitude, mercredi 1er décembre lors de l’émission Houna Tounes, sur Diwan FM, que le président de la République Kaïs Saïed annoncera le 17 décembre prochain de nouvelles mesures. Elles seraient relatives à l’organisation provisoire des pouvoirs publics.
« Parmi les mesures attendues le jour de la commémoration de la Révolution de 2011 figurent la modification de la loi électorale. Et la tenue d’un référendum sur les aspects constitutionnels, dont le premier est le changement de système politique », ajoute Mongi Rahoui.
« Je m’attends également à ce que le chef de l’Etat ouvre les grands dossiers. A l’instar des orientations diplomatiques du pays, des assassinats politiques, des transferts vers les régions de tension, le rétablissement des relations avec la Syrie, la construction d’une économie nationale productive. Enfin, l’amélioration du pouvoir d’achat du citoyen tunisien », poursuit l’homme de gauche.
Le chemin de la dictature
Changement total de discours de la part de Hamma Hammami. Le SG du Parti des travailleurs, est lui aussi un authentique militant des droits de l’Homme. Il a connu les prisons de Bourguiba et la répression du régime de Ben Ali. Mais, il semble ces derniers temps…déconnecté de la réalité, victime d’une idéologie le moins que l’on puisse dire, passéiste.
Pour lui, « sans exception, les parties qui ont gouverné le pays durant la dernière décennie ont confisqué sans vergogne la révolution menée par le peuple tunisien. En pratiquant la politique de la paupérisation, du terrorisme et du démantèlement des rouages de l’Etat ».
Dans son intervention dans la Matinale de lundi 6 décembre 2021 sur les ondes de la Radio nationale, l’événement du 25 juillet « n’est autre qu’un coup d’Etat pour protéger le système et non une opération de sauvetage ».
« Kaïs Saïed ne veut pas rompre avec le modèle en place. Il veut uniquement rompre avec la démocratie représentative qui a déjà échoué. Il a plutôt profité de la situation pour rompre avec la démocratie et nous emmener vers la dictature ». Ainsi, concluait l’ancien porte-parole du parti longtemps clandestin, le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT).
Deux discours à l’antipode, deux visions de l’actualité. Cela explique pourquoi la gauche tunisienne, hélas, se marginalise. Pourtant, nous avons besoin d’elle; au moins pour faire contrepoids à l’obscurantisme de ceux qui veulent nous tirer en arrière et par le bas.