En Tunisie, deux caractéristiques de notre économie sont critiqués aussi bien par le grand public que par certains économistes : l’accord de libre-échange avec l’Union Européenne (UE) et le régime offshore initié avec la promulgation de la Loi 1972. En même temps, ils réclamentl’orientation vers l’Afrique et l’Asie, deux zones géographiques considérées comme l’avenir. Mais en examinant les chiffres de la balance commerciale et ceux du Budget de l’Etat, la réalité s’avère différente de ce diagnostic.
Le poumon européen
Sur les onze premiers mois de l’année, les échanges avec l’UE se sont soldés par un excédent de 2 373 MTND, permettant de réduire le déficit global qui est de 14 654 MTND. Cet accord n’est donc pas à l’origine de nos maux commerciaux avec le monde entier. Le volume des exportations vers ce groupe économique a atteint 29 627 MTND aux prix courants, soit 70,4% de la valeur des marchandises totales expédiées par nos entreprises.
Le problème n’est pas donc les relations avec l’UE, mais plutôt la faible compétitivité de nos entreprises qui ne parviennent pas à s’imposer. Notre part du marché européen a reculé en 2020 à 0,5%, son plus faible niveau depuis 2010. C’est à nous donc de revoir notre stratégie industrielle nationale et de créer un tissu économique capable de produire des biens et des services en ligne avec les exigences des pays avancées. Nous ne pouvons pas demander aux autres d’importer des produits qui ne respectent pas leurs normes et qui ne sont pas dans la qualité de ce qu’offre d’autres pays et à de meilleurs prix.
L’offshore sauve la mise
Pour les entreprises offshore, notre balance commerciale reste également excédentaire également, exactement de 11 697 MTND, épongeant une partie des pertes causées par le régime onshore qui affiche une perte sèche de 26 351 MTND.
Personne ne nie qu’il y ait des dégâts important à certains secteurs qui ont disparu à cause de la Loi 72. Toutefois, il y a d’autres qui ont pris la relève. Une économie ne peut pas être figée, surtout si elle ouverte. Auparavant, le pouvoir d’achat des tunisiens ne leur permettait que de consommer produits locaux. Dès le début des années 1990, et avec l’ouverture avec la Libye, une diversification de l’offre a commencé, complétée par l’accord avec l’UE. Depuis, la disparition des PME qui utilisaient des technologies ou des processus obsolètes a commencé. Le transfert de technologies et de connaissances qu’il y a eu avec cette ouverture de l’économie s’est même positivement répercuté sur d’autres industries locales.
L’Afrique et l’Asie ne sont pas des marchés faciles
Pour l’Afrique subsaharienne, nos échanges commerciaux se sont soldés par un écart positif de 1 032 MTND. C’est une excellente réalisation qui prouve que nous sommes sur la bonne voie. Ce qui manque, c’est la logistique, à commencer par des liaisons aériennes et maritimes régulières, et surtout une diplomatie active.
Le rôle de l’Etat reste primordial. Il faut encourager les banques, qu’elles soient publiques ou privées, à s’implanter en Afrique. L’expérience marocaine a montré que le secteur financier est la pierre angulaire de tout développement futur.
Il faut également que nous soyons capables de gérer les imprévus politiques. 2021 a été marqué par une longue liste de putschs militaires qui ont frappé le continent. Si la diplomatie tunisienne ne soit pas active et prend des décisions qui protègent les intérêts de nos entreprises, c’est que ces dernières vont perdre des marchés.
Quant à l’Asie, qui se résume généralement au géant chinois, c’est une mission impossible. Le monde entier, à commencer par les Etats-Unis, sont déficitaire avec Pékin. Ce dossier mérite d’être traité par une administration à part. Mais avant de le faire, il faut se poser une simple question : quels sont les produits que nous pouvons offrir à ces populations ? Certes, répondre honnêtement à cette question nous aidera à avancer.