Selon Le Monde, le téléphone de Kamel Jendoubi, président du groupe d’experts chargé d’enquêter sur les violations des droits humains au Yémen, a été ciblé en 2019 par Pegasus, un logiciel espion de fabrication israélienne. Une révélation confirmée par l’intéressé dans un entretien, hier lundi, avec le quotidien français La Croix.
« Lorsque j’ai été informé, il y a deux semaines, par Amnesty International et le groupe de médias du « Projet Pegasus », que mon numéro de téléphone figurait sur la liste des personnes ciblées, j’ai soumis à expertise mes deux téléphones. Celle-ci a confirmé que l’un d’eux avait été infecté par le logiciel espion en 2019. Ce n’est pas une surprise ». C’est ce qu’a révélé l’ancien président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Kamel Jendoubi. Et ce, lors d’un entretien accordé hier, lundi 20 décembre 2021, au quotidien catholique français La Croix.
Et d’ajouter : « Dès que j’ai été nommé, fin 2017, président du groupe d’experts chargé d’enquêter sur les violations des droits humains au Yémen, je savais que cette mission était très sensible. Je m’étais alors inquiété du fait que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ait décidé, pour des raisons budgétaires, de baser le secrétariat du groupe au Liban. Or Beyrouth est connu pour être un nid d’espions. Je voulais que les enquêteurs, et leurs communications, soient protégés. Lorsque j’étais à la tête d’un groupe d’experts des Nations unies sur la guerre au Yémen, j’ai été, avec d’autres personnalités internationales, l’une des victimes du logiciel espion Pegasus ».
Cyber-espionnage
Ces propos ont été corroborés par le prestigieux quotidien Le Monde, lequel affirmait dans son édition du lundi 20 décembre en cours que le téléphone de Kamel Jendoubi – défenseur des Droits de l’Homme et ancien ministre, nommé en 2017 à la tête de ce groupe d’experts onusiens – a été la cible en 2019 du logiciel espion Pegasus alors que la mission de l’ONU enquêtait sur les violations des droits de l’Homme commises au Yémen par les parties au conflit.
Riyad pointé du doigt
A ce propos, le journal a rappelé que cette mission avait dû suspendre son enquête en octobre 2021 « après une intense campagne de lobbying menée par l’Arabie saoudite. À l’époque, plusieurs organisations de défense des Droits humains avaient dénoncé les efforts déployés par l’Arabie saoudite pour mettre fin aux travaux de ce comité».
« C’est le seul mécanisme international d’enquête sur les violations des Droits humains dans la guerre au Yémen, rappelle le quotidien parisien, le groupe d’experts des Nations unies a rendu ces dernières années des rapports pointant les crimes de guerre des belligérants, parmi lesquels la coalition commandée par l’Arabie saoudite ».
D’autre part, le média français rappelle que le « projet Pegasus » révèle depuis cette année l’ampleur du cyber-espionnage de la part des États qui ont acheté ce logiciel espion. Ainsi, c’est l’Arabie saoudite qui est à l’origine de cette tentative visant Kamel Jendoubi.
Le royaume est cité dans d’autres cas d’espionnage via Pegasus ; des proches du journaliste saoudien Jamal Khashoggi auraient ainsi été visés par le logiciel avant et après l’assassinat de ce dissident, en octobre 2018. Jusqu’à présent, les autorités de Riyad ont toujours démenti avoir fait usage de Pegasus », affirme Le Monde.
Rappelons, enfin, que la sale guerre au Yémen, qui se déroule à l’abri des regards de la communauté internationale, oppose depuis sept ans la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite aux rebelles houthis soutenus par l’Iran.