En condamnant par contumace l’ancien président provisoire de la République Moncef Marzouki à une lourde peine de prison, la justice tunisienne lui a rendu à contrario une fière chandelle, faisant de lui, aux yeux de l’étranger, une cible de l’acharnement de l’actuel président de la République contre son prédécesseur.
N’ayons pas peur de proclamer haut et fort que la condamnation in absentia de Moncef Marzouki, à quatre ans de prison avec effet immédiat pour « atteinte à la sécurité extérieure de l’État », est une décision politique irréfléchie et surtout improductive.
Car, aux yeux de l’opinion publique internationale, cette décision fait de cet opposant historique au régime de Ben Ali, dont l’image s’est brouillée du fait de sa promiscuité douteuse avec le parti islamiste d’Ennahdha, un chantre de la démocratie et des droits de l’Homme en Tunisie. En plus, une victime patentée de la supposée « dictature », issue du « coup d’Etat » perpétré par les mesures exceptionnelles du 25-juillet.
Mauvais calcul
Ainsi, l’image de notre pays est ternie. Le premier président de l’après-révolution acquiert les galons du héros de la résistance aux « dérives » de ce qu’il qualifie de dictateur.
Mauvais calcul politique et effet de boomerang garanti pour le chef de l’État, Kais Saied ; lequel, pour rappel, avait sommé la ministre de la Justice Leïla Jaffel d’ouvrir une enquête judiciaire « à propos des agissements de Moncef Marzouki », les qualifiant « d’atteinte à la sûreté nationale » et considérant que les personnes qui sollicitent l’intervention de parties étrangères sont des « traîtres à la nation ».
Renversement de rôles
La preuve que Moncef Marzouki a su, non sans habileté, se poser en victime ? « Il s’agit d’un jugement rendu par un misérable magistrat sur ordre d’un président illégitime. J’ai été condamné plus d’une fois sous le règne de Bourguiba. J’ai été jugé plus d’une fois sous le règne de Ben Ali. Maintenant un jugement est rendu contre moi pendant le règne de Kais Saied. Bourguiba et Ben Ali sont partis. Les causes pour lesquelles j’ai été jugé ont triomphé. De la même manière humiliante, cet apprenti dictateur partira. Les causes pour lesquelles j’ai été jugées seront triomphantes. Les ténèbres se dissiperont ».
Ainsi réagissait Moncef Marzouki dans un post publié sur sa page dans la soirée du mercredi 22 décembre 2021, à partir de Paris où il réside, à sa condamnation à la prison ferme sous le règne de Kais Saied pour les « causes qui ont triomphé ». Une douce musique aux oreilles des défenseurs des droits de l’Homme auxquels il s’adresse manifestement.
Rappelons à ce propos qu’un mandat d’amener international contre Moncef Marzouki avait été émis en novembre dernier. Et ce, suite à une demande du président de la République à la justice tunisienne d’ouvrir une enquête sur des déclarations de l’ancien président et de retirer son passeport diplomatique à son prédécesseur qu’il a qualifié d’être « parmi les ennemis de la Tunisie ».
Une crapuleuse « fierté »
En effet, l’ex-président provisoire avait exhorté, lors d’une manifestation début octobre à Paris, le gouvernement français à « rejeter tout soutien à Kaïs Saïed », lequel a « comploté contre la révolution et aboli la Constitution ». Appelant à destituer l’homme qu’il qualifie de « putschiste et de dictateur ».
Pire. Marzouki a reconnu sur la chaîne al-Jazeera TV « être fier » d’avoir joué un rôle auprès d’instances internationales. Et ce, afin de faire annuler le 50ème Sommet de la francophonie. Ce sommet devait initialement se tenir à Djerba. Un indigne aveu qui est resté en travers de la gorge de tous les Tunisiens, sans exception. En effet, le report de cette manifestation internationale ayant nui à l’image de la Tunisie dans le monde. Et ce, avant d’être perçu comme un désaveu pour Kaïs Saïed après son coup de force du 25 juillet.