L’Institut national de la santé publique a publié les résultats préliminaires de l’enquête nationale en milieu scolaire (MedSPAD III Tunisie 2021). La consommation de cannabis et de tabac gagne du terrain, d’après cette étude.
Les résultats de l’enquête MedSPAD III ont intéressé 6 230 lycéens de la 1ère et 2e année de l’enseignement secondaire. Ils ont confirmé l’ampleur alarmante du tabagisme, sous toutes ses formes, en milieu scolaire.
En effet, près d’un adolescent sur quatre a fumé une cigarette au moins une fois dans sa vie. La consommation de cigarettes était 3 à 4 fois plus fréquente chez les garçons par rapport aux filles. Cependant, la prévalence de l’expérimentation des cigarettes au cours de la vie chez les filles a augmenté de 10 à 14% entre 2013 et 2021.
En parallèle, et suite à la commercialisation de plus en plus de nouveaux produits tabagiques avec une variété importante d’arômes, cette enquête a attiré l’attention sur une prévalence inquiétante de la consommation des cigarettes électroniques (vape) et de la pipe à eau (narguilé) : plus d’un adolescent sur quatre (1/4) et un adolescent sur cinq (1/5) a déjà expérimenté, au moins une fois dans sa vie, la cigarette électronique et le narguilé, respectivement.
La consommation d’alcool a été plus fréquente chez les garçons
La consommation d’alcool a été plus fréquente chez les garçons avec une initiation précoce <=13 ans qui a été rapportée chez près de 20% des usagers d’alcool. La prévalence de l’usage de l’alcool au moins une fois dans la vie a présenté une tendance significative à la hausse entre 2017 et 2021, passant de 6,3 à 8%. Par ailleurs, près de la moitié des consommateurs ont présenté au moins un épisode d’ivresse au cours de leur vie.
Près de 15% des garçons et 2% des filles ont déjà utilisé le cannabis au moins une fois dans leur vie. Par ailleurs, la prévalence de l’usage du cannabis a quadruplé entre 2013 et 2021, passant de 1,4 à 6,9% (tendance à la hausse statistiquement significative).
L’usage de substances inhalées (essence, colle…) durant la vie a été rapporté par près de 5% des lycéens. L’accessibilité à ces substances était perçue comme facile par 20% des lycéens enquêtés, plaçant ainsi ces substances au 2e rang après les produits tabagiques en termes d’accessibilité.
Autres drogues : opioïdes, psychostimulants et hallucinogènes
L’étude a montré une prévalence d’usage de certains hallucinogènes comme l’ecstasy égale à 1,1%, et une prévalence d’usage de certains psychostimulants comme la cocaïne égale à 0,6%.
La consommation des opioïdes est prédominée par l’usage de la buprénorphine (Subutex) qui a été rapporté par 0,7% des lycéens au cours de la vie, suivie de l’héroïne (0,4%).
La prévalence d’usage des anxiolytiques sans prescription médicale et des nouvelles substances psychoactives, au moins une fois dans la vie, était de 8,3 et 1,7% respectivement.
Réseaux sociaux, jeux vidéo et jeux d’argent : l’autre facette de l’addiction
L’usage exagéré des réseaux sociaux continue à prendre une place prédominante en matière de cyber-addiction. En effet, 1 élève sur 3 utilise les réseaux sociaux plus de 4h par jour pendant les jours scolaires. 1 élève sur 2 les utilise plus de 6h par jour pendant les weekends et les vacances.
En deuxième position viennent les jeux vidéo : 1 élève sur 5 utilise les jeux vidéo plus de 2h par jour pendant les jours scolaires. 1 élève sur 4 les utilise plus de 4h par jour pendant les weekends et les vacances.
Par ailleurs, la pratique des jeux d’argent est une problématique qui prend de plus en plus de l’ampleur dans notre société parmi les jeunes. En effet, les adolescents sont particulièrement vulnérables aux publicités pour les jeux d’argent et aux gros gains. Cette étude a montré qu’un élève sur 7 a joué au moins une fois aux jeux d’argent durant les 12 derniers mois.
Impact de la pandémie du Covid-19
Suite à ses répercussions aussi bien sur la santé de la population que sur les conditions de vie imposées par les mesures mises en œuvre pour limiter son expansion, la pandémie du Covid-19 a impacté la santé mentale des individus.
Des changements de comportement face aux drogues ont été soulignés (arrêt de certaines substances imposé par les restrictions de déplacement, engagement dans de nouveaux comportements à risque, etc.).
Concernant les changements de consommation en matière de produits tabagiques et pour un taux de réponse avoisinant les 55%, 35% des consommateurs ont déclaré avoir complètement arrêté de fumer la cigarette pendant la période de confinement. 48% sont des fumeurs de cigarette électronique. 42% des fumeurs de pipe à eau l’ont arrêtée.
De même pour les consommateurs d’alcool et de cannabis, les résultats préliminaires ont montré qu’un peu plus du 1/3 des consommateurs ont arrêté ce comportement pendant la période de confinement.
Sonnette d’alarme
L’enquête s’inscrit dans le cadre du projet « Mediterranean School Project on Alcohol and Other Drugs » (MedSPAD). Elle a été pilotée par l’Institut national de la santé (INSP) et réalisée en étroite collaboration avec l’Observatoire national de l’éducation (ministère de l’Education) et la Direction de la médecine scolaire et universitaire (DMSU). Cette enquête permettrait de confirmer les tendances évolutives et d’étudier l’impact de l’épidémie du coronavirus sur les comportements à risque chez les adolescents.
Pour rappel, avec l’appui du réseau méditerranéen du Groupe Pompidou de coopération sur les drogues et les toxicomanies «MedNET» (dont la Tunisie est membre), l’appui technique et financier du Groupe Pompidou (Conseil de l’Europe), et l’appui du comité MedSPAD (au sein duquel la Tunisie est représentée par l’Institut national de la santé), deux enquêtes épidémiologiques nationales ont été réalisées en 2013 (MedSPAD I) et en 2017 (MedSPAD II).
Ces deux enquêtes ont permis d’attirer l’attention des décideurs sur l’hypothèse de l’existence d’une tendance croissante dans la consommation de certaines drogues en milieu scolaire dans notre pays, notamment pour le cannabis, l’alcool et l’ecstasy.
L’enquête de 2017 a permis également de tirer la sonnette d’alarme par rapport au phénomène de la violence en milieu scolaire et par rapport à la problématique de l’utilisation exagérée d’internet et des réseaux sociaux parmi les jeunes, les exposant ainsi aux dangers de la cyber-addiction.