L’Etat s’est largement désengagé du secteur des médias depuis 2011. Abandonnant ainsi son rôle vital au service de la promotion des médias. Alors, les récentes rencontres entre Najla Bouden Ramdhane, cheffe du gouvernement, et le président de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ); ainsi qu’avec une délégation du Syndicat des télévisions privées pourraient-elles faire revenir l’Etat à l’une de ses missions dans une démocratie? A savoir: être un « régulateur », un « serviteur de l’intérêt général » et un « garant des libertés » ?
Disons le tout de go: il faut espérer que la rencontre entre Najla Bouden Ramdhane, le 25 décembre 2021, et le président de la FTDJ; ainsi qu’une délégation du Syndicat des télévisions privées, ne soit pas protocolaire. Car, des réunions avec les représentants des médias, il y en a eu beaucoup, depuis 2011. Sans que ces dernières n’aient abouti à quelque chose de bien concret.
Et donc que de promesses faites au sujet de la nécessité d’accorder l’attention qu’il faut au secteur des médias et aux entreprises de presse. Et ce, « à la lumière du climat des libertés et du pluralisme. Mais aussi afin de soutenir le développement d’une scène médiatique diversifiée et caractérisée par l’ouverture ».
Le constat est du reste facile à faire: l’Etat s’est réellement désengagé, depuis la révolution de 2011, du secteur des médias. Abandonnant le rôle qui est le sien. Faut-il rappeler que ce rôle est assuré dans toutes les démocraties?
Nadine Toussaint, universitaire française spécialisée dans l’économie des médias, soutient dans un ouvrage, publié déjà à la fin des années soixante-dix, que « quel que soit le régime, il est certain que de façon directe ou indirecte les pouvoirs publics interviennent toujours dans le secteur des médias : ils autorisent, règlementent, contrôlent, aident, etc. »
Un crime de lèse démocratie
Tous les dirigeants des médias tunisiens vous le diront: la disparition du ministère de la Communication leur a fait perdre un interlocuteur de choix. La présence dans un gouvernement d’un chargé des médias n’est pas du reste un crime de lèse démocratie. Ce ministère existe bel et bien en France et en Grande-Bretagne, par exemple.
Comme la disparition, au lendemain de 2011, de l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE) a été un acte mal réfléchi. Mohamed Maameri, journaliste et doctorant, a qualifié cette disparition de « catastrophe », dans une intervention, le 20 décembre 2021, à Tunis. Et ce, au cours de la rencontre organisée, par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), sur les politiques publiques dans le secteur de l’information.
Et pour cause, car l’ATCE assurait une fonction primordiale: distribuer aux médias la publicité provenant des différentes institutions publiques. Soit les ministères, établissements publics, offices, gouvernorats, municipalités,… Et qui alimentaient en monnaie sonnantes et trébuchantes les caisses des journaux. Evidemment, l’ATCE ne réalisait pas cette tâche loyalement: les journaux qui avaient maille à partir avec le gouvernement étaient mal traités. Mais n’y avait-il pas moyen de revêtir l’ATCE, comme le ministère de la Communication, d’un nouvel habit: celui de la démocratie?
Des décisions mal réfléchies
Les changements opérés au niveau de la gestion des abonnements de l’administration auprès des journaux participent de la même logique. Les décisions prises par certains responsables toujours au lendemain de la révolution n’ont pas été en la matière également bien réfléchies. Privant les médias écrits d’une source de financement venant des instances publiques. Des abonnements ont été un moment coupés ou ont encore vu leur nombre régresser.
Au cours de la même rencontre organisée par le SNJT, le professeur Sadok Hammami, enseignant à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI) de Tunis, a expliqué qu’il y avait là un nouveau rôle que l’Etat se doit d’assumer. Non pas celui d’un acteur « dictatorial », « prédateur » et « autoritaire ». Mais celui d’un « régulateur », d’un « serviteur de l’intérêt général » et d’un « garant des libertés ». Cela est le cas dans les démocraties modernes.
Ce qui change tout. Les échos qui nous parviennent, cela dit, des deux rencontres du 26 décembre 2021 assurent que la cheffe du gouvernement a été très attentive au discours des représentants des médias. De même qu’elle a promis d’agir pour assurer la promotion d’un secteur qu’elle estime être vital pour la démocratie tunisienne. Croisons les doigts.