« L’évidence ne suffit pas toujours à convaincre ». Charles de Gaulle, discours, le 21 octobre 1941.
« Le peuple veut ». Ainsi se résume le programme du président de la République Kaïs Saïed. Traduisant ce slogan, il organise une consultation nationale en ligne. En effet, la plateforme électronique qui doit recueillir les suggestions des Tunisiens concernant les réformes proposées par le président Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs depuis le 25 juillet, a été lancée officiellement samedi 1er janvier. Pourrait-elle couvrir la totalité de la population, alors que 45% seulement des foyers tunisiens disposent d’une connexion Internet?
Au mieux, cette consultation pourrait traduire l’opinion publique, l’espérance collective, les attentes et les exigences. Mais elle ne peut aller au-delà de la perception de la crise sociale, l’affaiblissement du pouvoir d’achat, le développement du chômage, qui constituent une évidence.
Comment donc identifier des programmes, formuler des solutions, traiter l’endettement, analyser les rapports de forces et définir les partenariats? Et dans ce cas, la consultation serait plutôt un sondage d’opinion.
La définition des objectifs, faisant valoir une vision d’avenir et la formulation de programmes, en conséquence, ne pourraient être que l’œuvre des élites de la société civile, des dirigeants de la classe politique, d’économistes et de sociologues. Or, la consultation électronique en question minorise les élites, alors que le pouvoir du président a transgressé les partis, les excluant de fait du paysage politique.
Le Président a certes réussi, le 25 juillet 2021, à mettre fin à la dérive post-révolution, a suspendu le parlement défaillant et a annoncé un programme de changements politiques. La consultation annoncée peut corriger le tir et faire valoir les priorités socio-économiques. Mais elle ne peut traduire en acte ses vues. Dans ce cas, la consultation risque d’être un plébiscite du président et une ratification du processus salutaire du 25 juillet.