La saison de la pêche aux gros poissons est-elle ouverte? En tout cas, l’assignation à résidence de Noureddine Bhiri, n°2 d’Ennahdha, et Fathi Beldi appartenant au premier cercle de Rached Ghannouchi donne un signal clair aux dirigeants du parti islamiste. A savoir que l’heure de l’impunité est désormais révolue.
Trop peu, trop tard. Mais pourquoi, diantre, le gouvernement a-t-il mis trois jours pour lever un coin du voile sur la spectaculaire arrestation musclée, vendredi 31 décembre 2021 à 8h00 du matin? Ainsi que sur l’assignation à résidence du vice-président d’Ennahdha et ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri? Et celle de Fathi Beldi, ancien collaborateur au ministère de l’Intérieur d’Ali Laarayedh et l’un des architectes de l’appareil sécuritaire parallèle de Montplaisir? Et surtout, un proche parmi les proches. Etant le fils de Fadhel Beldi, celui qui partagea longuement la cellule de Rached Ghannouchi.
De plus, pourquoi prêter le flanc au parti islamiste? Lui permettant ainsi d’exploiter politiquement une affaire judiciaire en s’exhibant aux yeux de l’étranger, comme la victime d’un régime autocratique. Encore une défaillance monumentale de communication, le ventre mou du gouvernement Bouden.
Une flèche empoisonnée
Et c’est dans la soirée du lundi 3 janvier 2022 que le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine organisait une conférence de presse, au siège de son département. Et ce, à l’issue de la réunion tenue le jour même à Carthage et présidée par le président de la République, Kaïs Saïed. En présence également de: la cheffe du gouvernement, Najla Bouden; la ministre de la Justice, Leila Jaffel; du ministre de la Défense nationale, Imed Memiche; et du ministre de l’Intérieur.
Ceci mérite d’être signalé, car on voyait M. Charfeddine critiquer ouvertement la lenteur l’appareil judiciaire. Lequel a tardé à réagir, « sans aucune raison », tenait-il à préciser. Une flèche empoisonnée lancée à sa collègue de la justice Mme Jaffel. Alors que penser de la solidarité gouvernementale?
Lors de ce point de presse bien tardif, le ministre de l’Intérieur est revenu sur les décisions d’assignation à résidence de Noureddine Bhiri et de Fethi Beldi. Et ce, sans jamais les nommer et sur la base, il faut bien le reconnaitre, d’une jurisprudence scélérate et totalement anticonstitutionnelle. Il s’agit en effet du fameux décret n°50-1978 du 26 janvier 1978. Notamment en son article 5 qui donne les prérogatives spéciales au ministre de l’Intérieur. Lesquelles autorisent le ministre à placer en résidence surveillée toute personne présentant une menace pour la sûreté du pays.
« Il y aura beaucoup de surprises »
Et pour quel motif? « L’affaire concerne l’octroi de passeports et de certificats de nationalité de manière illégale pour des personnes que je ne qualifierai pas. Je laisserai les enquêtes judiciaires révéler leurs identités et leurs relations familiales. Et je vous assure d’avance qu’il y aura beaucoup de surprises ». Le ton est donné et la piste terroriste a bien été évoquée.
En outre, « des pièces d’identités et certificats de nationalité et deux passeports ont été délivrés à une date particulière par l’ambassade de Tunisie à Vienne le 10 décembre 1984 et le deuxième en date du 19 juillet 1982. Ce qui est étrange c’est qu’ils ont été délivrés illégalement et font objet d’un procès judiciaire ». Ainsi poursuivait ale ministre de l’Intérieur.
Et de donner l’exemple d’un certificat de nationalité attribué de manière illégale à une fille de parents de nationalité syrienne. S’agit-il d’une affaire liée au Tasfir de jeunes gens en direction de la Lybie, de l’Irak et de la Syrie?
Taoufik Charfeddine a également pointé du doigt « le comportement de certaines personnes qui devraient donner l’exemple; alors qu’elles ont appelé à la désobéissance civile. Elles seront poursuivie devant la justice militaire pour répondre de ces actes touchant le prestige de l’Etat et les forces de sécurité ». Une référence à l’ancien bâtonnier Abderrazek Kilani, sans le citer nommément.
Petit coup de karcher?
Enfin, l’heure de « l’assainissement de la justice », un thème cher à Kaïs Saïed, a-t-elle sonné?
Il est permis de le croire, eu égard à la personnalité controversée de Noureddine Bhiri. Symbole d’une justice aux ordres pendant la décennie noire d’Ennahdha. Et boite noire d’un mouvement qui traine moult casseroles judiciaires et un bon nombre de cadavres dans le placard.