Il n’est pas difficile de deviner que la tenue d’une conférence de presse par le ministre de l’Intérieur au sujet de la mise en résidence surveillée de Noureddine Bhiri a été prise hier matin au palais de Carthage. Plus précisément lors de la réunion qu’a tenue le président Kaïs Saïed avec la cheffe du gouvernement et les ministres de l’intérieur, de la Défense nationale et de la Justice.
Selon le ministre de l’Intérieur M. Taoufik Charfeddine, la conférence de presse était programmée « dans quelques jours ». Mais elle a dû être avancée. Et ce, « suite à l’évolution des événements et aux tentatives d’impliquer l’institution sécuritaire dans les tiraillements politiques ».
Pourtant, cette conférence de presse aurait dû se tenir le jour même de l’assignation à résidence de l’ancien ministre de la Justice, c’est-à-dire le 31 décembre. Les autorités auraient ainsi fait l’économie des nombreuses critiques concernant la politique de l’incommunication, de l’opacité et du mutisme. De même, elles auraient respecté le droit des citoyens à l’information. Enfin, elles auraient aussi et surtout évité le déferlement dans les réseaux sociaux des flots d’élucubrations.
Mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Et même si le ministre n’a voulu répondre à aucune question des journalistes; il a éclairé l’opinion publique sur cette affaire d’assignation à résidence de Noureddine Bhiri et de Fethi Beldi. Ainsi, l’affaire concerne « l’octroi de passeports et de certificats de nationalité de manière illégale ». A qui? Le ministre n’a pas révélé de noms, mais a assuré qu’ « il y aura beaucoup de surprises ».
L’affaire est grave aussi parce qu’elle a « une relation avec le terrorisme ». Mais malgré cette gravité, la justice a trainé les pieds; bien que le dossier ait été confié au procureur de la République. « Nous avons attendu longtemps, la justice n’a pas bougé. Alors, nous avons agi », affirmait la ministre.
Taoufik Charfeddine en première ligne pour suppléer une justice défaillante
On comprend mieux maintenant les appels incessants du président de la République à la justice pour qu’elle fasse son travail. Les preuves que la justice traine les pieds quand il s’agit de dossiers liés au terrorisme, il y en a à la pelle. A commencer par les dossiers les plus graves et les plus anciens. A savoir, les assassinats de Chokri Belaïd et de Mohammed Brahmi. Huit ans après, nous ne savons toujours pas qui en a donné l’ordre !
Avec les éléments donnés par le ministre de l’Intérieur dans sa conférence de presse, nous avons une preuve supplémentaire, concrète, que la Justice n’est toujours pas libérée de l’influence néfaste de Noureddine Bhiri, du temps où il était ministre de la Justice. En d’autres termes, il y a toujours au sein du corps judiciaire des éléments influents qui entravent la marche de la justice. Et ce, dès qu’il s’agit d’affaires liés au terrorisme, impliquant des dirigeants du parti islamiste.
Concernant « les tentatives d’impliquer l’institution sécuritaire dans les tiraillements politiques », le ministre est clair: c’est la justice militaire qui s’en chargera. Il n’a pas cité nommément la personne impliquée dans cette grave affaire. Mais tout le monde a compris qu’il s’agit de l’ancien bâtonnier, Abderrazzak Kilani.
D’ailleurs, dans des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, cet avocat nahdhaoui a été vu et entendu en train d’inciter des policiers à la rébellion. En leur déclarant: « Quand vous recevez des ordres illégaux, il ne faut pas les appliquer. » Le ministre s’est dit obligé par la loi de confier à la justice militaire cette affaire d’incitation des forces de l’ordre à la rébellion. En attendant que la justice civile se désinfecte du virus islamiste qu’on lui inoculait peu après le désastre électoral du 23 octobre 2011.