En acceptant de prendre en compte le douloureux coût social consécutif à la loi de finances 2022 ainsi que la soumission au diktat du FMI, le patron de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, n’est-il pas en train d’entamer sa « révolution culturelle » ?
Le SG de la centrale syndicale, N. Taboubi, rattrapé par la logique froide et implacable de la science économique? Son organisation est-elle prête à tendre la main au gouvernement Bouden? Et ce, pour surmonter, ensemble, la terrible déferlante sur laquelle le navire Tunisie tangue dangereusement?
N. Taboubi : « L’Etat ne peut honorer ses engagements »
Tout porte à le croire. Surtout quand on entend Noureddine Taboubi affirmer que « l’Etat traverse une conjoncture difficile et ne peut pas honorer ses engagements. Et ce, concernant les accords signés avec l’organisation ouvrière, ni ceux ayant trait au développement dans les régions ». Il s’exprimait ainsi, hier mardi 4 janvier 2022, à l’ouverture des travaux de la Commission administrative de l’UGTT à Hammamet.
Lucide donc, il reconnait devant ses compagnons de route que la Commission administrative se réunit dans des « circonstances exceptionnelles. De même qu’elle fait face à de grands enjeux à tous les niveaux ». Soulignant à l’occasion que l’Union est « sous pression concernant le document qui sera présenté au FMI. Lequel comporte des mesures douloureuses, à l’instar du: gel des salaires; de la cession de certaines institutions publiques à travers la vente des actifs de l’État; ainsi que la levée des subventions sur le carburant ».
Répercussions sociales
Autre casse-tête chinois pour la place Mohammed Ali: la loi de finances pour l’exercice 2022. Et les mesures qu’elle comporte et qui auront « de nombreuses répercussions sociales. Et notamment la détérioration du pouvoir d’achat ». C’est ce qu’admet le patron de la centrale syndicale.
Mais, l’UGTT, assure N. Taboubi, est « une force pour le bien ». Elle est prête à toutes les étapes et à toutes les difficultés. Et elle s’acquittera de sa mission nationale « en toute responsabilité ». Tandis qu’elle continuera de défendre les catégories marginalisées et de critiquer le rendement de tous les gouvernements « dans un esprit constructif ».
La circulaire de la discorde
Mais, c’est la circulaire n°20 qui constitue le point de discorde entre l’UGTT et le gouvernement actuel. En effet, lors de son discours d’Hammamet, Noureddine Taboubi pointait du doigt ladite circulaire émise par la cheffe du gouvernement, Najla Bouden. Laquelle interdit les négociations avec les syndicats sans une autorisation préalable du secrétariat général du gouvernement. En effet, il estime que ce document est susceptible « d’engendrer des tensions sur le plan du climat social et de porter atteinte au dialogue social ».
Et de donner un exemple probant, celui de l’accord signé le 1er janvier courant entre l’UGTT et l’UTICA. Il est relatif à l’augmentation des salaires des travailleurs du secteur privé.
Déjà, dans une lettre adressée lundi 3 janvier en cours à la cheffe du gouvernement, l’Union générale tunisienne du travail exprimait son rejet de la circulaire n°20 du 9 décembre 2021. Demandant à la cheffe de gouvernement de retirer cette circulaire adressée à tous les ministres, secrétaires d’Etat, directeurs généraux et PDG des entreprises et établissements publics et fixant les conditions de négociation avec les syndicats.
Le droit de négocier à l’épreuve
Car, « les restrictions totales imposées par cette circulaire sont une suppression du droit de négocier et un gaspillage de toutes les occasions de l’activer et de le développer. Ce qui peut avoir de graves répercussions sur le climat social », avertit l’UGTT.
Et d’ajouter: « Cette circulaire porte atteinte au droit à la négociation collective qui a un impact positif sur le climat social. D’ailleurs, la Tunisie a été parmi les premiers pays à avoir ratifié la convention internationale n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective ».
Même son de cloche de la part de Sami Tahri, porte-parole officiel de l’UGTT. Lequel estime que cette circulaire « constitue une infraction à la constitution et au droit international et balise la voie aux conflits ». Il a, d’autre part, mis en garde contre l’application de cette circulaire. Elle « va détruire un parcours de dialogue et engendrera des grèves et des tensions au niveau du climat social », poursuit-il.
Enfin, c’est à se demander si, en contrepartie des bonnes dispositions affichées par Taboubi, la cheffe du gouvernement n’avait pas intérêt à retirer cette circulaire controversée et improductive. Ce ne sera pas une reculade, mais ce serait faire preuve de courage politique. Et de bon sens.