Le mandat présidentiel du président français E. Macron touche à son terme. L’hypothèse de sa réélection n’est pas à exclure. Dans tous les cas, il est intéressant de tirer un premier bilan de sa politique étrangère.
« France is back », clamait le président Macron après son élection en 2017. Une prétention au leadership basée sur la conjugaison d’un volontarisme formel et d’un équilibrisme substantiel qui produit parfois une impression désagréable d’ambivalence diplomatique. Si sa quête de leadership en début de mandat a connu rapidement des échecs (face aux prétentions et positionnements de Trump, Poutine, Erdogan, Netanyahou, etc.), il a l’occasion de terminer fort. Avec la présidence de l’Union européenne que la France exerce depuis le 1er janvier.
La politique étrangère de la France, une question de rayonnement international
La politique étrangère d’un Etat est déterminée par ses intérêts propres et traduit aussi une certaine représentation du monde. C’est en ces termes que se pose la question de la politique étrangère de la France sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Mue par un idéal de grandeur et de rayonnement universel, la France est une grande puissance régionale (européenne et méditerranéenne); mais une puissance moyenne à l’échelle internationale. Ainsi, sa politique étrangère s’articule traditionnellement autour de deux piliers : l’indépendance nationale et le multilatéralisme.
Or cette ligne « pragmatique », guidée par une logique d’intérêt qualifiée de « gaullo-mitterrandienne », accuse une inflexion manifeste. Et ce, depuis les présidences de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et de François Hollande (2012-2017). En effet, la politique étrangère de la France s’avère plus interventionniste et teintée d’un atlantisme/occidentalisme à peine voilé. Cette évolution est perceptible au sein même du corps diplomatique, où l’idée du recours légitime à la force militaire pour la défense des valeurs de la « démocratie libérale » s’est largement diffusée, auprès des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay.
Emmanuel Macron s’est lui-même inscrit dans cette tendance générale. Comme en témoigne son investissement initial dans une stratégie de rapprochement avec le président Trump. En réalité, depuis son arrivée à l’Élysée, ses discours comme son action sur les principaux dossiers internationaux assument à la fois les signaux gaullo-mitterrandistes et néoconservateurs.
Questions mémorielles
Dans ses relations avec l’Afrique, en général, et avec l’Algérie, les questions mémorielles se sont invitées. Au point d’avoir acquises une acuité nouvelle. Ainsi des récentes déclarations du président de la République au sujet de la « rente mémorielle » sur laquelle serait fondé le régime algérien. Tout comme l’organisation du sommet Afrique-France de Montpellier avec un format inédit. Elles participent d’une volonté de vider un passif mémoriel sapant la relation de la France au monde.
D’ailleurs, la tension actuelle (certes en phase de régression) entre Paris et Alger montre combien les interactions mémorielles peuvent façonner les relations internationales. Il est vrai que les crispations diplomatiques entre Paris et Alger sont récurrentes depuis l’indépendance 1962. Pourtant, les déclarations d’Emmanuel Macron provoquèrent une crise singulière par la nature, l’ampleur et l’impact entre les deux pays.
L’ambition élyséenne d’aboutir avec l’Algérie à une réconciliation à la franco-allemande supposait d’apurer au préalable le passif mémoriel des deux pays. Ainsi missionné par l’Elysée, la commission présidée par l’historien Benjamin Stora a produit un rapport dont la vertu devait être double. D’abord assainir des relations constellées de malentendus et de tensions. Puis apaiser ceux des Français touchés directement ou indirectement par les scories mémorielles et dont les plaies suppurent sur fond d’identitarisation des débats politiques.
« Trop de compatriotes dont l’histoire est mêlée à l’Algérie pour faire comme si de rien n’était (…) », déclare encore l’historien Benjamin Stora. Il préconise donc d’« embrasser cette histoire, d’essayer de reconnaître toutes ces mémoires et de leur permettre de cohabiter. ».
Cependant, les accusations du président français à l’endroit du régime algérien, d’user et d’abuser d’une forme de « rente mémorielle » sur laquelle il s’est construit et dont la France fait les frais, mettent un coup d’arrêt à une démarche supposant une réciprocité entre les deux parties.
La chance de la présidence française de l’Union européenne
Depuis le 1er janvier et pour six mois, la France préside (le Conseil de) l’Union européenne. Une période marquée en France par la campagne des élections présidentielle et législatives. Une concomitance qui lui donne mécaniquement une résonance politique aiguë. Et ce, dans la mesure où le chef de l’Etat en exercice est un acteur central de ces deux évènements, national et européen, qui se télescopent et s’imbriquent en partie. C’est l’occasion pour le président Macron d’incarner un leadership européen et de faire rayonner un pays en mal de lumière. Saura-t-il pour autant donner du sens à l’Europe auprès de concitoyens frappés par un fort sentiment eurosceptique?
Après avoir affiché un volontarisme grandiloquent, lors du fameux « discours de la Sorbonne » en 2018, le président Macron a été rattrapé par le réel et les contraintes d’une construction politique à 27 Etats. Incapable d’imposer les initiatives françaises (on pense notamment à la suspension de la « taxe des Gafam »), Emmanuel Macron n’a pas réussi non plus à convaincre ses propres concitoyens d’un quelconque projet européen. La campagne présidentielle sera propice aux postures tactiques et autres discours stériles jonchant des programmes pauvres en idées et propositions sur l’Europe…