Après le gel des activités du parlement, les députés sont restés entre l’espoir de retrouver leurs sièges et l’incapacité de retourner à leur poste de travail. Car le président de la République, Kaïs Saïed, à l’origine de cette décision prise le 25 juillet, n’a jusqu’à présent pas dissout l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).
En vertu du décret n°117, relatif aux mesures exceptionnelles, les députés sont privés de leurs indemnités et primes. Ce dilemme reste éminent surtout pour les anciens fonctionnaires du public. Vu que la loi n’autorise pas le cumul des fonctions. Néanmoins, cinq mois après, le président du bloc parlementaire de la Réforme Hssouna Nasfi assurait dans les médias qu’il a repris son poste de fonctionnaire depuis le 15 décembre. Il en est de même pour Hatem Mensi, Tarek Brahmi, Nebil Hajji, Tarek Fetiti et d’autres.
Il faut dire que l’espoir s’est éteint. Notamment quand Kaïs Saïed a donné les dates clés de sa feuille de route. Avec des législatives qui n’auront lieu qu’en décembre 2022.
« Fin octobre, nous avons envoyé une correspondance au secrétaire général du parlement. Il nous a confirmé que les salaires des députés ne seront plus versés. Et ce, conformément au décret présidentiel n°117; bien que nous bénéficions encore du statut de députés. » C’est ce qu’assure le vice-président du parlement Tarek Fetiti dans une déclaration à l’Economiste Maghrébin. « Nous nous sommes alors adressés à nos établissements publics et ministères, où nous exercions, mais nous n’avons reçu aucune réponse », poursuit-il.
C’est le tribunal administratif qui a fini par trancher dans l’affaire. Suite à une plainte déposée par les députés concernés, en faveur de ces derniers. « Personnellement, j’ai fait ma reprise en tant que cadre au ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, le 3 janvier », précise M. Fetiti.
Abir Moussi parle de corruption
L’affaire n’a pas laissé Abir Moussi, la présidente du Parti Destourien Libre, indifférente. Elle a condamné, dans une vidéo partagée sur sa page facebook, le retour de certains députés à leurs postes. Et ce, « alors qu’aucune démission du parlement n’a été constatée. »
« Il s’agit d’une grande affaire de corruption », selon elle. Car « des députés ont repris leur poste à l’administration publique; alors qu’ils portent encore le statut de députés », poursuit-elle.
« Cette situation est exceptionnelle et sans précédent, il lui faut donc des solutions exceptionnelles », estime M. Fetiti. « Plus encore, pour moi, mon salaire est ma seule source de revenu. Mais le plus important, c’est la couverture sociale. »
Des traitements de situation différents
Au sujet de la couverture sociale des députés, la question reste aussi floue. Rappelons que le député Tahya Tounes Mustapha Ben Ahmed et la députée Hajer Bouhlel avaient été privés de soins,- bien qu’ils aient cotisé à la couverture sociale tout au long de leur carrière-, avant l’intervention du président de la République.
Cela dit, cette confusion aurait pu être évitée en permettant, dans ce même décret, aux députés de retrouver une situation digne après leur « expulsion ». Sauf si l’omission a été engendrée par simple amateurisme. Ou si le président souhaite venger le peuple. Là encore, une question qui reste sans réponse. Car ni la présidence, ni le gouvernement ne communique avec la presse. Et encore moins, en l’absence de porte-parole de la présidence. Un poste que le président a décidé de supprimer, dès qu’il a siégé à Carthage.
Le peuple doit donc se contenter de discours ou monologues, quasi quotidiens, de Kaïs Saïed. Et ce, soit dans des vidéos sur sa page facebook, soit en marge de conseils ministériels. De rares apparitions dans les médias de Walid Hajjem, conseiller auprès de la présidence de la République, viennent quelquefois apaiser les ardeurs.
Une chose est sûre, les droits humains ne doivent pas être bafouillés pour le compte de conflits politiques. Ni aucune vengeance ne doit être exercée au détriment des droits sociaux.
Quant aux députés, initialement retraités, ils ont aussi déposé plainte auprès du Tribunal administratif et attendent encore le verdict. Les autres employés de l’ARP, plus de 450, perçoivent leurs salaires sans exercer.
Les bâtiments de l’Etat sans maintenance
Pire encore, le siège de l’ARP et le musée de Bardo, deux lieux emblématiques et historiques, sont restés sans maintenance, depuis la fermeture des portes du parlement.
Kaïs Saïed, lui, bien qu’il ait perdu des points, reste tout de même à la tête des sondages pour les intentions de vote; largement favori face à ses concurrents.