« Ils peuvent couper toutes les fleurs ; mais ils ne peuvent arrêter le printemps » (Pablo Neruda). Le processus engagé le 25 juillet 2021, par le président de la République Kais Said, rectifie le tir de la transition post-révolution et corrige ses dérives. Il est actuellement remis en cause, par l’islam politique et ses alliés, le dénonçant comme un coup d’Etat. Une grève de la faim est engagée par une poignée d’opposants, de pseudo démocrates, sous prétexte de rétablir la démocratie.
Peut-on parler d’un recul démocratique ? Certes, le président Kais Saied s’est arrogé les pleins pouvoirs. Il a notamment limogé le Premier ministre et suspendu le Parlement dominé par le parti d’inspiration islamiste.
Le conflit s’aggrave
Depuis lors, il gouverne par décrets malgré la protestation de ses opposants. Mais ne perdons pas de vue, qu’en engageant le processus du 25 juillet, il réactualise le « printemps », en écartant du pouvoir les dirigeants responsables de la décennie du déclin.
La feuille de route qu’il a présentée était destinée à sortir de la crise avec un scrutin législatif prévu en décembre 2022 et ce après révision de la loi électorale, et un référendum en juillet pour amender la Constitution, qu’il veut plus « présidentielle », aux dépens du Parlement.
La consultation populaire qu’il a mise à l’ordre du jour se propose d’identifier les vœux de la population. Mais pouvait-elle remplacer le dialogue avec la société civile, la classe politique et les mouvements nationaux ? Ces mesures pourraient mettre fin au blocage politique. Mais elles ne peuvent traiter l’enlisement social et économique.
Le conflit entre les partisans du processus du 25 juillet et ses ennemis s’aggrave, à l’occasion de l’anniversaire du 14 janvier, du départ de Zine Alabidine Ben Ali. L’abolition de cette fête par le président, au profit du 17 décembre, anniversaire du déclenchement de la révolution, a été dénoncée par ses opposants. Ennahdha et les partis Tayar, Joumhouri et Takattoul organisent un sit-in à cette occasion, pour fêter l’anniversaire et protester contre « la dérive présidentielle ».
« Hors-jeu » effectif
Ne reconnaissant pas la décision du ministère de la Santé, interdisant les réunions, vu l’expansion de l’épidémie, ils affirment que le gouvernement craint plutôt une « contagion démocratique ». Ils s’insurgent contre l’interdiction de la manifestation. Comment interpréter ce rapprochement des « forces contraires » ? Est-ce à dire que les groupuscules des partis du centre et de gauche, qui transgressent à cette occasion leurs idéologies originelles, sont devenus le parechoc de l’islam politique. Fait évident, une « mésentente cordiale » établit leur alliance conjoncturelle avec Ennahdha, transgressant leurs idéologies.
Le Parti destourien libre continue son sit-in pour déloger le siégé de Qardhaoui, qui assure un enseignement takfiriste. La présidence s’est ralliée à Ennahdha dans sa protection de ce relais de l’intégrisme. Tous les autres partis laissent faire et n’interviennent pas, ménageant l’alliance de fait avec l’islam politique. Ces positions différentielles entre l’engagement et la tolérance du takfirisme atteste la véritable fracture de la classe politique tunisienne.
Outre le parti destourien, qui a son programme économique, la classe politique est dans la situation d’un « hors-jeu » effectif. La population se désintéresse de son combat médiatique qui ignore ses attentes : la chute du pouvoir d’achat et le développement du chômage l’affectent et la préoccupent.
Comment expliquer l’absence d’une « boussole stratégique », qui doit traiter la crise et réaliser la relance économique ? La population s’est insurgée le 25 juillet contre le parti Ennahdha. Le mouvement est accusé de tous les maux. Mais elle attend impatiemment les mesures sociales salutaires. Elle ne voit pas le bout du tunnel.