A cause de la Covid-19, mais pas seulement, la Tunisie a connu sa plus grave récession depuis l’indépendance. On a noté en 2020, une chute de 9% de la production intérieure. Si l’année suivante, la Tunisie a connu une croissance de 3%, qui devrait être reconduite en 2022, cette croissance sera insuffisante pour réduire le chômage.
Le chômage reflète la capacité d’une économie à créer des emplois. Il constitue un indicateur de l’appauvrissement ou de l’enrichissement économique d’un pays. En Tunisie, il touche près de 18,4% de la population, environ le double de l’Algérie et du Maroc.
Mais il n’y a pas que le chômage comme indicateur de l’état d’un pays. Il y a aussi les salaires, déjà très bas en Tunisie, avec de surcroît une érosion constante du pouvoir d’achat. Elle est due à un taux d’inflation annuel de plus de 5% en moyenne ces dernières années. Ainsi, le SMIG tunisien est à 429 dinars mensuels, pour 48 heures de travail, soit 131 euros. Quant au salaire moyen, il est actuellement de 820 dinars soit 252 euros.
Des budgets qui rendent la vie des ménages de plus en plus difficile. Une population qui tend à se paupériser lentement. Elle a, de plus en plus, de difficultés à accéder aux produits importés devenus hors de prix, pourtant très souvent indispensables.
Si récession ne veut pas dire dépression, l’Etat peut faire face à l’heure actuelle à ses principales dépenses. Il est urgent de prendre des mesures pour une relance de l’activité économique.
Les mesures de la relance
Il nous faut tout d’abord écarter les « recommandations » du FMI, qui soumet tout nouveau prêt, à des décisions de politique intérieure difficilement acceptables. Et ce, pour trois raisons relatives aux conditions mises à l’octroi de tout nouveau prêt:
- Diminution drastique du nombre des fonctionnaires s’élevant actuellement à plus de 666000;
- Réforme profonde des entreprises publiques avec une réduction de leur masse salariale correspondant actuellement à 150 000 salariés;
- Suppression des subventions pour les produits de première nécessité avec un ciblage vers les classes les plus en difficulté.
Des mesures politiquement difficiles, sinon impossibles à prendre, dans un contexte de crise comme celui que connait actuellement la Tunisie. Les Tunisiens y compris les classes aisées, vivent de plus en plus dans une situation de précarité dont rien ne permet de dire quelle en sera l’issue. La Tunisie ne peut vivre éternellement à crédit. Son indépendance économique détermine son indépendance politique si chèrement acquise en 1956.
Le FMI et les principaux Etats qui abondent son budget pourront politiquement difficilement aggraver la situation d’un pays du Maghreb comme la Tunisie, connue pour sa modération et prendre le risque de le rendre ingouvernable.
Sortir de l’impasse
FMI ou pas FMI, la Tunisie doit avoir une politique autonome pour sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve.
Ainsi, la pandémie en cours aurait dû être l’occasion de marquer sa singularité. On se rend compte aujourd’hui que le filtrage strict aux frontières n’a pas empêché le virus de passer et de se propager. Tout au plus il l’a ralenti.
Certes des précautions sont toujours à prendre au plan sanitaire. La Tunisie aurait dû et doit trouver une juste mesure entre la situation sanitaire et la nécessité de maintenir une certaine activité économique, dont le blocage risque, à terme, d’être bien plus préjudiciable.
Ainsi, la suppression du test PCR de 48 heures qui a rendu très difficile l’entrée en Tunisie, permettra à l’activité commerciale et au tourisme (14% du PIB, avec 100 00 emplois directs et 290 00 indirects) de redémarrer.
Les affaires exigent la plus grande fluidité. Depuis toujours, les relations commerciales au plan international ont toujours tendu à favoriser la libre circulation des biens et des personnes.
La suppression du test PCR a été une mesure attendue. Pass vaccinal et gestes barrières bien que difficiles à faire appliquer, sont certainement plus efficaces.
Favoriser l’investissement
A côté de ces mesures de relance, il faut promouvoir l’investissement et pour cela, créer une « force d’intervention » (Task-force) chargée de favoriser l’investissement avec des projets structurants (infrastructures, énergies renouvelables…), en lien avec les ministères intéressés pour lancer une grande politique de développement économique dont l’objet est de faciliter l’installation d’entreprises : exemptions fiscales, mise à disposition auprès d’elles de personnel ayant une bonne connaissance de l’administration agissant en tant que facilitateurs pour monter les dossiers, effectuer les démarches administratives pour les investisseurs nationaux et étrangers.
Il faut favoriser l’investissement dans une économie de plus en plus diversifiée encourageant les PME, les startup, l’économie solidaire, l’économie familiale et la valorisation des matières premières y compris les phosphates et les produits agricoles, sans oublier le partenariat avec les multinationales qu’il convient d’attirer.
Pour l’équipement et l’aménagement public, le recours à la concession de services bénéficiant des mêmes facilités sera également soutenu.
Une politique dynamique, audacieuse qui sera rendue possible par le fait, que comme l’a d’ailleurs observé le FMI, la Tunisie dispose « d’une main-d’œuvre qualifiée, un capital humain de très bonne qualité » avec des diplômés et des gens de grande expérience, dont certains ont été faire le bonheur et la richesse d’autres pays, notamment en Europe, alors que nos jeunes n’ont comme seule ambition, que de travailler et de vivre au pays.
Bref, bien unis et solidaires comme toujours, les Tunisiens sont capables de sauver la Tunisie, en comptant sur eux-mêmes et sans recourir abusivement au FMI ».