En bravant les mesures exceptionnelles du 25 juillet, notamment le gel du Parlement, le président de l’ARP suspendue veut prouver, surtout à l’étranger, que ses détracteurs ont eu tort de l’enterrer prématurément. Je me démène comme un diable, donc j’existe. Telle semble être la nouvelle doxa de Rached Ghannouchi.
Au secours, Ghannouchi est de retour. Aux yeux de ses détracteurs, sa présence, hier soir, à une heure de grande écoute au journal télévisé de la Watania 1, frise l’indécence!
Et pour cause. Les téléspectateurs assistaient, médusés, au spectacle du président du Parlement gelé. Lequel, assis devant un grand écran, derrière quatre drapeaux géants, lisait d’une voix monocorde et traînante un discours. Et ce, lors d’une session virtuelle organisée jeudi 27 janvier 2022, à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la Constitution de 2014. Pour dire quoi?
Responsable mais pas coupable
Pour nous rappeler, bien entendu, que la Tunisie vit aujourd’hui « un moment déterminant de son histoire. Avec l’exacerbation d’une crise financière suffocante qui se traduit par l’augmentation des prix, la pénurie de produits de base et le retard de versement des salaires ».
Comme si l’homme auquel la majorité des Tunisiens ampute la responsabilité de nos malheurs de la décennie noire post-révolution, n’y était pas pour quelque chose!
Les conditions de Ghannouchi
Dans un ultime pied de nez à Kaïs Saïed dont il estime que les décisions du 25 juillet « étaient anticonstitutionnelles et représentent un coup d’Etat. De plus, ces mesures avaient rompu l’unité des Tunisiens et causé cette crise », le leader d’Ennahdha, contesté dans son propre camp et honni par la quasi-totalité de ses compatriotes, a appelé à l’organisation « d’un dialogue national global sur les principales options qui n’exclut personne ». Mais « à condition qu’il soit précédé de l’annulation du décret 117 ». Ainsi, s’exprimait Rached Ghannouchi, comme s’il était encore dans une position qui lui permet de poser ses conditions.
Mea culpa tardif
Toujours à l’occasion de la séance plénière tenue en ligne en présence de 83 députés issus d’Ennahdha, de Qalb Tounes, d’El Karama et de quelques élus indépendants, le président de la défunte ARP a estimé que le discours du président de la République s’inscrit dans le cadre de la « diabolisation du Parlement ».
Tout en procédant à un semblant de mea culpa tardif, il a souligné l’importance de réformer « en procédant à une autocritique et à une réévaluation de la situation ». Estimant que « les individus propageant la culture de l’exclusion et de la haine voulaient porter atteinte à la démocratie et à ses acquis ».
A la fin de son discours, Rached Ghannouchi a également appelé à la « réinstauration de l’activité parlementaire ». Avec la possibilité « de combiner cela à la tenue d’élections législatives anticipées ».
Pour rappel, le chargé de communication à l’ARP suspendue, Maher Medhioub, avait justifié sans ciller la tenue de la session virtuelle par le souci « de rendre hommage aux Tunisiens et aux martyrs ayant contribué à cette phase historique en Tunisie ». Assurant à ceux qui veulent bien l’entendre que cette plénière « n’a aucun intérêt politique ».
Outrances
A noter dans ce contexte, le dangereux dérapage d’un certain Issam Bargougui, un député indépendant. Puisque, dans son intervention à la session en ligne du jeudi, il n’a pas hésité à accuser le président de la République, Kaïs Saïed de « haute trahison ». De même qu’il appelait les forces militaires et sécuritaires « à l’arrêter pour le livrer à la justice ». Rien que ça.
Saluons quand même la « bravitude » du député indépendant. Car pour des propos similaires, l’ancien président provisoire Moncef Marzouki, a écopé de quatre ans de prison. Au suivant.