Une crise sans précédent bouleverse les relations franco-maliennes dont le dernier développement est l’expulsion par le Mali de l’ambassadeur de France à Bamako. Une décision prise le 31 janvier et qualifiée par la presse française de « coup de tonnerre », et par la classe politique « d’humiliation ».
En effet, dans un communiqué cité par l’AFP, « le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (…) l’ambassadeur de France à Bamako, son Excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale. Qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de soixante-douze heures. »
Cela fait des mois que les relations entre la France et le Mali connaissent une détérioration qui s’aggrave de jour en jour. La crise commençait en effet le 18 août 2020. Le jour où des colonels renversaient le président Ibrahim Boubacar Keita et prenaient les rênes du pouvoir.
Les relations se sont envenimées encore le 24 mai 2021, avec « un nouveau coup d’Etat dans le coup d’Etat ». Ce jour là, le vice président de la junte, Assimi Goïta, destituait ses collègues, dont le président Bah N’Daw, et nommait à leur place ses fidèles. Le tout sur fond d’une crise économique et sécuritaire qui frappe durement non seulement le Mali; mais toute la région de l’Afrique de l’Ouest.
Sanctions paralysantes
Puis, la crise connaissait un autre développement après le 9 janvier 2022. Ce jour là, les dirigeants de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis à Accra, optaient pour la manière forte. A savoir: le gel des avoirs du Mali; la suspension des transactions commerciales, à l’exception de celles portant sur les produits de première nécessité; le rappel des ambassadeurs; la fermetures des frontières, etc.
De ce fait, la junte au pouvoir à Bamako accusait la France d’être derrière les décisions paralysantes de la CEDEAO. Et ce, par « ses manœuvres en coulisse ». A l’invitation des militaires, des milliers de manifestants conspuaient alors la France. Tout en dénonçant les sanctions de l’institution économique ouest-africaine. C’était le 14 janvier 2022.
Les deux gouttes qui font déborder le vase et poussent la junte à expulser l’ambassadeur français semblent être les deux déclarations de la ministre de Défense Florence Parly, et du ministre des A.E., Jean Yves le Drian. Tout d’abord, la première a accusé le Mali d’ « avoir rompu ses engagements et multiplié les provocations ». Le second a accusé le Mali « d’ouvrir la voie à l’influence russe dans la région. En accueillant les mercenaires (de la société paramilitaire russe) Wagner qui utilisent la faiblesse de certains États pour s’implanter et renforcer l’influence de la Russie en Afrique ».
« Nos soldats meurent pour un pays qui nous humilie »
Par ailleurs, l’expulsion de l’ambassadeur français de Bamako intervient neuf semaines avant le premier tour de la présidentielle en France. Dans ce contexte, les candidats d’extrême droite ont été les plus prompts à réagir.
Pour Marine Le Pen, la candidate du Front National, « La France a perdu une influence folle en Afrique ». Elle estime qu’Emmanuel Macron avait « encore une fois, accumulé les échecs dans ce domaine ». Qualifiant la décision malienne d’ « humiliation», Marine Le Pen a ajouté: « Nous nous battons pour expulser les djihadistes du Mali, mais le Mali expulse notre ambassadeur. »
Dans la même veine, son grand rival Eric Zemmour a affirmé: « Nos soldats meurent pour un pays qui nous humilie! Toute la politique africaine de la France est à repenser ».
Mais ce qui préoccupe le plus la France n’est pas l’expulsion de son ambassadeur de Bamako; mais plutôt les conditions de combat de ses troupes dans le nord du Mali contre le terrorisme.
Rappelons à cet égard que la France a déployé 5000 soldats au nord malien. Le président Macron a décidé de réduire ce nombre. En novembre 2021, la base de Tombouctou est évacuée, laissant planer l’inquiétude du scénario afghan après le retrait américain. Jusqu’à présent Tombouctou tient, mais pour combien de temps?
Pour le moment, la Junte n’a pas demandé le retrait du contingent français au nord du Mali. La France, en dépit de l’acuité de la crise, ne décide pas, pour le moment aussi, d’évacuer totalement ses troupes. Mais la situation demeure intenable comme l’a exprimée la ministre de la Défense Florence Parly. Elle déclare: « Nous devons constater que les conditions de notre intervention, qu’elle soit militaire, économique et politique sont rendues de plus en plus difficiles. Bref, on ne peut pas rester au Mali à n’importe quel prix ».
Une impasse qui sert la Russie qui cherche depuis longtemps à prendre pied en Afrique.