Alors que la planche à billets, l’utilisation de l’épargne des clients de La Poste pour payer les salaires des fonctionnaires ou la visite du Président du Club de Paris à Tunis sont devenus des sujets de débat, le communiqué mensuel de la Banque centrale de Tunisie (BCT) est venu répondre indirectement à tous les points d’interrogation.
Le Conseil d’Administration de la BCT a souligné la gravité du tableau macroéconomique: la reprise relativement modérée de l’activité économique; les perspectives de croissance timides pour 2022; le creusement du solde commercial; un déficit des opérations courantes de 6,3% du PIB; et la tendance haussière de l’inflation.
L’Etat des lieux
Au niveau financier, il y a un retard notable dans la mobilisation des ressources extérieures nécessaires pour le financement du budget de l’Etat pour 2022. L’absence, jusqu’à aujourd’hui, d’un consensus sur le programme de réformes permettant d’engager des négociations avec le FMI, est inquiétant.
Côté bonnes nouvelles, il y a la bonne tenue des revenus de travail (8 600 MTND en 2021) et des réserves de change (23 313 MTND, soit 133 jours d’importation). L’engagement du Gouvernement à mener les réformes structurelles et assurer une gestion budgétaire saine a été également noté par la BCT.
Les cinq messages
En termes d’informations, la BCT n’a rien apporté de nouveau, à l’exception de son estimation pour le taux de croissance 2021 qui serait de l’ordre de 2,9%. Mais en termes de communication, et avec toutes les circonstances actuelles, il y avait pleins de messages.
Le premier est que la situation risque d’empirer. Le contexte mondial n’est pas porteur. Avec la hausse des prix des matières premières, les perturbations des chaînes de valeur et l’inflation. Nous ne parvenons pas à reprendre le bon rythme facilement car tout passe par la demande extérieure. La BCT ne s’est pas montrée particulièrement optimiste pour 2022. Et il est clair qu’elle reste prudente dans ses prévisions de croissance.
Le second est que l’inflation ne baissera pas cette année et que tous les ingrédients pour un nouveau cycle haussier sont là. L’inflation sous-jacente subit les mêmes pressions. Conclusion: il ne faut pas espérer une baisse du Taux Directeur dans ce contexte.
Le troisième est que si certains indicateurs macroéconomiques tiennent encore bons, c’est grâce à des facteurs hors production nationale. A savoir que c’est grâce aux transferts des TRE que le pays a pu récupérer des devises supplémentaires en 2021. Avec une bonne gestion des réserves de change, le pays a pu éviter l’effondrement du dinar et constituer une assise qui lui a permis d’entamer 2022 avec un minimum de sérénité. Maintenant, il faut que les autres moteurs de génération de revenus fonctionnent pour espérer garder cet équilibre fragile.
Le quatrième est qu’un accord avec le FMI est indispensable. Même si nous pouvons respecter nos engagements cette année quelle que soit l’issue des négociations, la signature d’un nouveau programme offrira de vraies perspectives pour le pays. Nos relations avec les différents bailleurs de fonds vont reprendre. Et nous allons affronter mieux les difficultés des années à venir. Le consensus national sur les réformes, qui est encore loin, doit intervenir dans les plus brefs délais.
Enfin, le dernier est que sans croissance et sans ressources externes, l’Etat pourrait faire fonctionner réellement la planche à billet, via le financement monétaire. Cela aura des conséquences préjudiciables à la stabilité monétaire et financière.
Les principaux chantiers urgents de l’exécutif ont été donc clairement identifiés. Ainsi, il faut assumer sa part de responsabilité dans la lutte contre l’inflation et jouer pleinement son rôle politique. Et ce, pour atteindre ce consensus national sur des réformes qui, malheureusement, n’ont jamais fait l’unanimité.