Gravissime. Si les faits plus que fracassants révélés, hier mercredi 9 février, par le Comité de défense des deux martyrs, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, se révélaient authentiques, ce serait un séisme politique. Le plus dévastateur que la Tunisie ait jamais connu depuis son indépendance. Sans exagération aucune.
Rached Ghannouchi, leader historique d’Ennahdha, ancien président du Parlement gelé, ex-membre de droit du Conseil de sécurité nationale et jadis hiérarchiquement deuxième personnage de l’Etat, est en effet accusé par le Comité de défense de Belaïd et Brahmi. Et ce, de collusion avec une puissance étrangère en temps de paix. Mais aussi d’espionnage, de blanchiment d’argent, de disposer d’un appareil financier secret. Et la liste est encore bien longue.
« On cherche à diaboliser Ennahdha »
Qu’à cela ne tienne! Dans les heures qui suivaient la conférence de presse organisée par le Comité de défense des martyrs Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd à l’occasion de la commémoration du 9ème anniversaire de l’assassinat de ce dernier, le porte-parole du Mouvement Ennahdha, Imed Khemiri, avait à son tour organisé à la hâte une conférence de presse. Pour dire quoi?
Que le Comité en question « mène une guerre politique » contre le parti Ennahdha. Et ce, sur la base de documents et de preuves provenant d’un organe sécuritaire de l’Etat.
Que ces accusations sont la suite de la campagne de dénigrement contre le mouvement d’Ennahdha que l’on cherche à « diaboliser ». « Il est clair que cette conférence de presse s’inscrit dans le cadre d’un combat déclenché contre les forces vivantes ayant exprimé leur refus face aux mesures du 25 juillet mises en place par le Chef de l’Etat Kaïs Saïed » Ainsi assure-t-il encore.
Enfin, que l’existence d’un appareil secret au service de son parti n’est qu’une affabulation. Sinon, a-t-il ironisé, « s’il y avait un appareil secret, le coup d’Etat du 25 juillet n’aurait pas eu lieu ».
D’autre part, le porte-parole du parti islamiste profitait de l’occasion pour faire assumer entièrement la responsabilité de l’intégrité physique de Rached Ghannouchi au président de la République. Et ce, suite aux appels à manifester devant le domicile de Ghannouchi, ainsi qu’au siège d’Ennahdha.
Révélations gravissimes
Rappelons à ce propos que lors de cette conférence de presse qui a duré environ deux heures, Maître Ridha Raddaoui confirmait que les magistrats impliqués dans la dissimulation de preuves et de dossiers relatifs aux assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi faisaient l’objet de poursuites judiciaires.
Pour ce qui est de l’enquête au sujet de l’implication d’Ennahdha dans le tasifr des jeunes vers la Syrie, Rached Ghannouchi et son réseau secret auraient, selon l’avocat membre du Comité de la défense des deux martyrs, « tout fait pour enterrer l’enquête et faire disparaitre les preuves ».
Financement occulte
Concernant le financement occulte d’Ennahdha, Me Raddaoui a également évoqué des détails de l’appareil financier secret du chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi. Accusant ce dernier « de blanchiment d’argent, avec l’aide de son fils Mouadh ».
« Les leaders de ce parti avaient perçu d’importantes sommes d’argent de la part des autorités qataries », a-t-il assuré. Expliquant que les fonds qui étaient acheminés à travers une association caritative qatarie baptisée Namaa, « étaient alimentés directement par le cabinet royal qatari. Les virements dépassaient les cinquante millions de dinars. Ensuite, l’argent était acheminé en liquide vers la Tunisie à travers l’aéroport de Tunis-Carthage ».
Espionnage
Plus grave. Me Raddaoui évoque « des relations quadripartites douteuses ». Entre d’une part, l’opérateur téléphonique qatari, Ooredoo-Tunisie; et d’autre part, Rached Ghannouchi, ainsi que son fils Mouâdh Ghannouchi et l’ancien procureur général de la Cour d’Appel de Tunis, Béchir Akremi.
Toujours selon lui, une équipe technique disposait d’une chambre d’écoute chargée d’espionner des hommes politiques, de hauts cadres sécuritaires et des magistrats. « Les enregistrements, a-t-il affirmé, étaient remis à Rached Ghannouchi lors de rencontres une fois par quinzaine, dans un hôtel à Gammarth et dans des circonstances très spéciales. Ce que dément formellement l’opérateur dans un communiqué paru dans la foulée où il annonce sa détermination à saisir la justice… ».
Aux dires de l’avocat, le Tribunal militaire a ouvert une enquête depuis déjà un mois avec pour chefs d’accusation « d’espionnage et de collusion avec un pays étranger en temps de paix ». Et ce, à l’encontre de Rached Ghannouchi, son fils Mouâdh et Béchir Akremi.
Que dire de ces révélations que tout le monde soupçonnait sans détenir des preuves formelles? Qu’il est temps que la justice fasse enfin son travail. Mais dans la sérénité.