Invité d’honneur à la séance d’ouverture des travaux du 25ème congrès de l’UGTT à Sfax, le Bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie, Brahim Bouderbala, a tenu un discours quasiment identique à celui du locataire du palais de Carthage. Simple association d’idées?
Populisme quand tu nous tiens! Le verbe haut et coloré, l’œil étincelant sous ses grosses lunettes, le Bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie, Brahim Bouderbala, tenait un discours enflammé aux accents tiers-mondistes d’antan. Certainement pour caresser son auditoire dans le sens du poil. Et qu’est-ce qui se prête le mieux à ce joug oratoire que la séance d’ouverture, mercredi 16 février 2022, des travaux du 25ème congrès de l’UGTT à Sfax?
La main de l’étranger pointée du doigt
Recontextualisons. Les ambassadeurs du G7 et de l’UE ont exprimé, dans un communiqué commun du 8 février 2022, leur « profonde préoccupation ». Et ce, suite à l’annonce de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le président de la République, Kaïs Saïed. Tout en appelant à « une justice transparente, indépendante et efficace. Et au respect du principe de séparation des pouvoirs. Lesquels sont essentiels au bon fonctionnement d’une démocratie au service du peuple, fondée sur le respect de l’État de droit et des droits et libertés fondamentaux ».
Criant au scandale de l’intervention étrangère, Maître Bouderbala a fustigé d’une voix tremblante de colère « le silence » de ces ambassadeurs. Et ce, à propos du refus par leurs pays de remettre à la Tunisie les personnes impliquées dans des affaires de corruption. « Sous prétexte que la justice tunisienne ne répond pas aux standards internationaux », poursuivait-il.
« Voilà que maintenant l’étranger a son mot à dire dans notre pays », a-t-il ironisé. « Où étaient-ils lorsque les autorités tunisiennes demandaient à récupérer l’argent détourné par la dictature? Où étaient-ils lorsqu’on demandait à extrader les criminels qui ont spolié les richesses de notre pays? »
« Pourquoi maintenant que nous tentons avec sérieux de combattre la corruption vous prenez cette position? Le combat contre la corruption ira de l’avant, malgré ces ingérences étrangères. Tant que l’UGTT est debout, il n’a pas lieu d’avoir peur pour la Tunisie ». Ainsi, concluait Maître Bouderbela, lyrique.
Ironie
N’a-t-il pas lieu de constater que les déclarations de l’orateur font échos au discours du chef de l’Etat, Kaïs Saïed. Lequel en réponse aux « préoccupations » des Etats-Unis, de l’Union européenne, du G7, du Haut-commissariat aux droits de l’Homme, après sa décision de dissoudre le CSM, rappela que « la Tunisie est un pays souverain qui œuvre pour l’instauration d’une société de droit ».
Sans omettre de lancer une pique à « certaines capitales et organisations préoccupées par la dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature. Elles ne l’étaient pas quand la justice n’était pas réalisée en Tunisie, ou quand des milliards dont on ne connait toujours pas le sort ont été manipulés ».
Lutte contre la corruption, mère de toutes les batailles
D’autre part, le bâtonnier de l’Ordre des avocats Maître Bouderbela a enflammé la salle quand il a rappelé avec force que le barreau joue un rôle primordial en matière de lutte contre la corruption « qui gangrène notre pays ».
« Point de salut pour le pays, hors de l’éradication de la corruption. L’institution judiciaire a un rôle décisif pour éradiquer ce fléau », martelait-il.
De même, « il est impératif d’extirper la corruption dans ses différentes manifestations; dont le terrorisme, la contrebande et toutes les tentatives de démanteler l’Etat », insistait-il. Soulignant sous les applaudissements des congressistes que « les ouvriers, les organisations nationales et les patriotes sincères constituent l’ultime barrière pour protéger la patrie ».
Dans son intervention enflammée, Brahim Bouderbala a aussi assuré que le combat contre la corruption ira de l’avant. Malgré ces ingérences étrangères et que « tant que l’UGTT est debout, il n’a pas peur pour la Tunisie ».
Un soutien fortuit ?
Reste à savoir si la position de M. Bouderbala, complètement en phase avec les décisions présidentielles, reflète la position officielle du Conseil de l’ordre des avocats? Ou s’agit-il plutôt d’ambition personnelle. Les mauvaises langues prédisent une nomination au portefeuille convoité de la tête du département de la Justice… L’avenir nous le dira.