Avec plus d’1,5 million de clients privés dans le monde, Crédit Suisse, numéro deux du secteur bancaire helvétique, se retrouve dans la tourmente. En effet, une enquête internationale l’accuse d’héberger des fonds d’origine criminelle ou illicite. Et notamment des fortunes provenant de « dignitaires tunisiens ».
Retentissant scandale au pays qui a vu naître Jean Calvin. Le Crédit Suisse, le numéro deux du secteur bancaire helvétique, aurait hébergé pendant plusieurs décennies des milliards d’euros de fonds d’origine criminelle ou illicite. C’est ce que vient de révéler une enquête menée par un consortium regroupant 47 médias, dont Le Monde, The Guardian, le Miami Herald et le New York Time. Et ce, à la suite d’une fuite de données recueillie par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, il y a un peu plus d’un an.
L’omerta suisse
Curieusement, aucun média suisse n’a participé à cette enquête. En effet, une loi scélérate datant de 2015, empêche les journalistes de travailler avec des données bancaires issues d’une fuite. Et ce, même lorsqu’elles présentent un intérêt public. Avec à la clé une sanction dissuasive de trois ans de prison « pour toute personne qui révèle un secret qui lui a été confié ou exploite ce secret à son profit ou au profit d’un tiers ».
Argent de crime et corruption
Mais que reproche l’enquête à ce géant bancaire? D’avoir hébergé pendant des années plus que 95 milliards d’euros de fonds d’origine criminelle ou illicite.
Selon Le Monde, et sur la base d’une fuite massive d’informations issues de milliers de comptes bancaires administrés par Crédit Suisse, l’enquête démontre « qu’au mépris des règles de vigilance s’imposant aux grandes banques internationales, l’établissement, né à Zurich, a hébergé des fonds liés au crime et à la corruption plusieurs décennies durant ». Une pratique rendue possible par le secret bancaire suisse, ajoute le quotidien de la rue des Italiens.
Toujours selon la même source, ces données concernent plus de 18 000 comptes bancaires hébergés au Crédit Suisse. Et ce, entre le début des années 1940 et la fin des années 2010 et appartenant à 37 000 personnes ou entreprises.
« De hauts dignitaires tunisiens » impliqués
Surprise de taille: ces comptes douteux appartiennent à des ressortissants de pays en développement. Et notamment en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud. Les clients domiciliés en Europe occidentale ne représentent que 1% du total, précise le média parisien.
En effet, écrit Le Monde, « il s’agit de l’argent de dizaines de dictateurs et d’hommes politiques corrompus. Ou encore de grosses fortunes à l’origine illicite ou douteuse, d’individus et d’entreprises frappés par des sanctions internationales, voire de réseaux criminels ou mafieux ».
Deuxième surprise: parmi les personnalités concernées, figurent le roi Abdallah II de Jordanie, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev, ou encore un proche de l’ancien dictateur du Zimbabwe, Robert Mugabe. « De hauts dignitaires de Tunisie, d’Egypte, de Libye, de Syrie et du Yémen, ont également sorti de grosses sommes d’argent de leur pays au moment des printemps arabes », révèle le média français.
Démenti embarrassé du Crédit Suisse
Évidemment, le Crédit Suisse a vivement réagi à ces révélations. En affirmant que les données en question sont « partielles, inexactes, ou sont prises hors de tout contexte ». Puisque « 90% des comptes examinés sont aujourd’hui fermés ou en cours de fermeture. Plus de 60% d’entre eux ont été fermés avant 2015 ».
« Ces allégations médiatiques semblent être un effort concerté pour discréditer non seulement la banque; mais aussi la place financière suisse dans son ensemble ». Ainsi affirme le Crédit Suisse qui se dit victime d’un complot international.
Enfin, n’est-il pas tentant de constater que ces révélations scandaleuses donnent plutôt crédit au président de la République, Kaïs Saïed. Ce dernier n’a cessé de répéter ad nauseam que « si l’étranger veut vraiment nous aider, qu’il nous rende l’argent spolié »?