Comment expliquer la crise entre la Russie, l’Ukraine et l’Otan? Autant décortiquer ce qui se passe et comprendre le monde géopolitique avec Kerim Bouzouita, Dr en anthropologie.
Kerim Bouzouita revient sur les tensions entre la Russie, l’Ukraine et l’OTAN. Pour commencer, il faut comprendre les bases des récits politico-historiques qui seront répartis sur trois volets.
L’analyse de Kerim Bouzouita : 1er volet
Kerim Bouzouita met l’accent sur les origines des tensions ayant poussé la Russie à ré-annexer la Crimée. Et ce n’est qu’à travers ce voyage le temps, c’est-à dire un retour vers le passé, qu’on comprendra ce qui se passe.
Il nous faut d’abord remonter jusqu’en 1654, géographiquement l’Ukraine était entourée de voisins puissants et belliqueux, l’empire de Russie à l’Est et l’empire Ottoman au sud.
Ce qui l’a amenée à faire alliance avec la “République des deux Nations”, une sorte de fédération avec la Pologne et la Lituanie. Cependant, cette alliance était fragile et les erreurs polonaises ont fini par pousser Bogdan Khmelnitski, le chef militaire et politique des Cosaques d’Ukraine dans les bras de l’empire de Russie. A cette époque, la péninsule de Crimée n’était pas un enjeu russo-ukrainien, elle faisait partie du Khanat de Crimée, vassal de l’empire Ottoman. Ce n’est qu’en 1791 que le Khanat de Crimée est conquis par l’impératrice Catherine II et se voit de facto annexé à la Russie.
L’histoire entre la Russie et l’Ukraine: la Crimée un cadeau empoissonné!
Le 5 mars 1953, l’histoire de l’Union soviétique change de cap avec la mort de Joseph Staline. Quelques mois plus tard, Nikita Khrouchtchev prenait les rênes du pouvoir et entamait une “dé-stalinisation” de l’URSS.
Suite à une gestion démographique héritée de l’époque stalienne, la péninsule de Crimée est un vrai désastre socio-économique, les colons russes installés après l’éviction des Tatares de la péninsule n’arrivent pas à cultiver la terre de Crimée. Khrouchtchev décide de “se débarrasser” de la Crimée et de léguer ses problèmes aux autorités ukrainiennes. Tout en gardant sous-contrôle la seule chose qui intéressait Moscou : le port de Sébastopol. Khrouchtchev n’imaginait probablement pas que 37 ans plus tard, il n’y aurait plus d’URSS.
Ainsi, avec la dissolution du Pacte de Varsovie, le Président russe Boris Eltsine, ne demande pas la ré-annexion de la Crimée, et depuis, la péninsule est une bombe à retardement.
La Crimée au centre des équilibres géopolitiques.
En 2014, la Russie récupère la Crimée ou l’envahit, selon les points de vue. Un referendum, certes bancal, confirme que la majorité des habitants de la Crimée était favorable à la Russie. Mais pourquoi la Crimée est-elle si importante dans le jeu d’influence des grandes puissances?
Des raisons militaires
D’abord pour des raisons militaires pressantes. En 2015, la Russie a commencé ses opérations militaires en Syrie. Et ce, afin de maintenir en place de régime de Bachar Al Assad contre Daech.
Autrement dit, contre le projet d’une théocratie sunnite favorable à la politique internationale atlantiste. Et c’est justement la base russe en Crimée qui était l’atout des interventions russes en Syrie.
Des raisons économiques
Ensuite, les raisons économiques: le port de Sébastopol, est l’unique accès de la Russie aux mers chaudes durant l’hiver. Avec 90% du volume du commerce mondial qui transite par les mers, on comprend facilement l’importance de ce port. Mais les raisons les plus importantes sont au niveau des équilibres géopolitiques.
La politique atlantiste a été, depuis le démembrement de l’URSS, extrêmement offensive et offensante envers la Russie. Refus de son adhésion à l’OTAN, à l’UE, élargissement du périmètre d’influence de l’OTAN. Et ce, avec l’intégration de nombre d’anciens pays du bloc soviétique. Malgré la volonté de la Russie d’intégrer le pôle atlantiste.
Ce faisant, on a poussé la Russie à chercher d’autres alliances et se lancer dans des aventures orientées vers l’EST de la carte du Monde. Comme l’Union euro-asiatique ou encore l’alliance stratégique avec le géant chinois.