Les médias occidentaux sont dans un état de fureur anti-Poutine qui frise l’hystérie, après l’invasion de l’Ukraine. Ceci nous rappelle les sombres moments où ces mêmes médias diabolisaient Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi. Tandis qu’ils portaient aux nues les puissances agressives qui ont envahi l’Irak et la Libye. Ceux-ci ont été décrits et décriés comme des dictateurs sanguinaires, et celles-là comme des puissances libératrices des peuples et protectrices des veuves et des orphelins. On sait ce qui est advenu de l’Irak depuis le 19 mars 2003 (début de l’invasion anglo-américaine), et de la Libye depuis le 19 mars 2011 (début des bombardements américano-otanesques).
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février, on assiste en effet à la même hystérie des médias occidentaux. Sauf que les rôles et les statuts de la victime et de l’agresseur sont inversés. Avec les médias occidentaux, Vladimir Poutine n’a donc pas la chance de George Bush; et Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi n’ont pas eu la chance de Volodymyr Zelenski.
Pourtant, les motifs et les arguments qui ont poussé George Bush à déclencher sa guerre contre l’Irak sont mensongers et fallacieux, comme tout le monde sait. Et les motifs et les arguments qui poussèrent Vladimir Poutine à déclarer la guerre à l’Ukraine sont compréhensibles et convaincants. Du moins pour ceux qui ne doutent pas de la duplicité et de la politique des deux poids et deux mesures dont ont toujours fait preuve les puissances occidentales, et en premier lieu Washington et Londres.
Il faut remonter 30 ans en arrière pour dénicher la première graine empoisonnée, plantée par l’Amérique et qui conduisit à cette guerre. En effet, en 1992, le sénat américain, ignorant l’engagement (oral il est vrai) de Bush père à Gorbatchev, ratifiait la décision de l’administration Clinton de procéder à l’expansion de l’Otan vers l’Est européen.
En 30 ans, l’Otan a étendu ses tentacules sur plus de 1280 kilomètres, de la frontière de l’ancienne RDA jusqu’aux pays baltes. Avalant au passage pratiquement tous les pays d’Europe de l’Est, anciens membres du Pacte de Varsovie. Et pendant 30 ans, la Russie a assisté impuissante à la déferlante otanesque.
La Russie ne s’est finalement rebiffée que le jour où la Géorgie et l’Ukraine ont commencé à lorgner vers l’Otan, avec les encouragements de l’administration Bush fils. En 2008, le président géorgien Mikheil Saakashvili avait pratiquement la même attitude arrogante envers la Russie et le même désir d’intégrer l’Otan que le président ukrainien Volodymyr Zelenski depuis son élection en 2019. Le premier était encouragé dans son arrogance et intransigeance envers la Russie par l’administration Bush fils; le second par l’administration Biden.
Il faut dire aussi que l’arrogance et l’hostilité des présidents géorgien hier et ukrainien aujourd’hui envers Moscou étaient nourries par l’illusion qu’entretenaient les deux, qu’en cas de guerre, Washington volerait à leur secours.
Le Géorgien Saakashvili paya chèrement les frais de son illusion en provoquant une guerre avec Moscou, perdant et la guerre et le pouvoir. Et ce, sans que Bush fils ne s’en émeuve outre-mesure.
L’Ukrainien Zelensky est en train de payer chèrement les frais de son illusion. Sans cacher son amertume qu’aucun pays de ceux qui le poussaient à l’intransigeance avec Moscou n’a pris les armes à ses côtés.
Le coup d’État de 2014 en Ukraine
La deuxième graine empoisonnée plantée par l’Amérique et qui a conduit à cette guerre est le coup d’État de 2014 en Ukraine conçu, réalisé et financé par le département d’Etat et la CIA. Cet événement dramatique a abouti au renversement d’un gouvernement démocratiquement élu et ayant des relations cordiales avec la Russie. Et son remplacement par des dirigeants de formations politiques extrémistes que Moscou qualifie de « Nazis ».
En effet, au cœur du putsch se trouvaient des courants politiques extrémistes ukrainiens réunis sous le nom de « Svoboda » (parti national-socialiste d’Ukraine). Leur héros national et guide spirituel est un certain Stepan Bandera. A savoir un collaborateur d’Hitler qui dirigea la liquidation de milliers de Polonais, de Juifs et d’autres minorités. Et ce, au moment même où les troupes nazies de la Wehrmacht traversaient l’Ukraine vers Stalingrad en 1942.
Les dirigeants de « Svoboda », Oleh Tyahnybok et Andriy Parubiy, ne cachent pas leurs convictions pronazies. Depuis 2014, le parti nazi et ses dirigeants sont très influents dans le gouvernement ukrainien. Le dirigeant extrémiste, Andriy Parubiy, se voyait même confier un méga portefeuille comprenant le ministère de la Défense, les Forces armées, les forces de l’ordre, la Sécurité nationale et le Renseignement.
D’ailleurs, les dirigeants de « Svoboda » ne perdaient pas de temps pour confirmer leur réputation d’extrémistes. Ils ont aussitôt mis en place des politiques préjudiciables aux Russes vivant dans l’est du pays, notamment l’interdiction de la langue russe. En conséquence, les provinces de Donetsk et de Louhansk, dans l’est de l’Ukraine, refusèrent de reconnaître le gouvernement post-coup d’État. Et elles exigèrent qu’on leur accordât un statut spécial de région autonome et le droit d’utiliser la langue russe.
Pour toute réponse, les autorités ukrainiennes lancèrent des opérations militaires contre leurs concitoyens du Donbass. Un cessez-le-feu, négocié par la Russie, la France et l’Allemagne, aboutit aux Accords de Minsk que le gouvernement ukrainien a obstinément refusé de signer. D’où la reconnaissance, après sept ans de vaine attente, par le Kremlin de l’autonomie autoproclamée des deux républiques frontalières de Donetsk et Louhansk.
Entretemps, et en première réaction au coup d’état de 2014, la Russie provoqua un charivari en Occident, en annexant la Crimée. Ce qu’il faut savoir ici c’est que Sébastopol en Crimée a été le port d’attache de la flotte navale russe sous les Tsars et sous l’Union soviétique. La péninsule fut achetée aux Ottomans pour une grosse somme d’argent par Catherine la Grande en 1783.
Pour les Russes, la péninsule de Crimée revêt une importance particulière pour sa valeur symbolique et sa charge patriotique. En effet, elle fut le théâtre de la défaite des envahisseurs anglais, en 1854. Pendant 171 ans, elle fit partie intégrante de l’empire russe d’abord, de l’URSS ensuite. C’est seulement en 1954, que Nikita Khrouchtchev, le successeur de Staline, en fit un cadeau à l’Ukraine pour marquer le tricentenaire du traité de « Pereïaslav », par lequel les Cosaques d’Ukraine proclamèrent leur allégeance à Moscou.
Au fil des ans, et surtout depuis l’effondrement de l’Union soviétique, l’Otan s’est transformée en un instrument de la politique étrangère américaine. Son extension aux portes de la Russie vise deux objectifs majeurs: accroitre la domination américaine sur l’Europe, et empêcher l’émergence d’un pouvoir fort sur la scène internationale qui soit capable de défier la puissance américaine et de contester sa prééminence mondiale. D’où le souci permanent américain de chercher les voies et moyens d’affaiblir la Russie et d’en faire un paria.
L’objectif de la Russie est évidemment de contrer cette stratégie américaine en s’opposant fermement à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Tout en développant sa puissance économique et militaire. En vue de contribuer à l’émergence d’un monde multipolaire où l’Amérique sera l’un des pôles et non l’unique pôle de puissance dans cette planète. On ne comprendra pas le sens de la guerre en Ukraine, si l’on n’a pas ces données en tête.