Un chantage nucléaire à demi-mot ? S’adressant aux potentiels ennemis de son pays, le maître du Kremlin promettait que la réponse de la Russie « sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues ». Terrifiant.
La voix froide, les traits tirés, les yeux bleus plus métalliques que d’habitude, Vladimir Poutine choisissait le dimanche 27 février, jour du Seigneur, alors que l’invasion russe en Ukraine en était à sa quatrième journée, pour donner à son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, l’ordre de mettre la machine nucléaire en alerte. Ce dernier annonçait, lundi 28 février, avoir transmis aux centres de commandement les ordres du président russe de mettre « les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat ». Une escalade significative dans l’échelle nucléaire.
Tous les scénarii sont possibles
Faut-il prendre le maître du Kremlin au sérieux? Est-ce une manière de montrer « ses muscles nucléaires »? Un bluff audacieux dans une folle partie de poker? Cherche-t-il à impressionner l’armée l’Ukraine pour la pousser à la reddition, et par ricochet, l’Europe et les Etats-Unis pour les dissuader d’intervenir? Est-il prêt enfin à aller jusqu’au bout dans la logique de la terreur la plus extrême; quitte à déclencher et subir par rétorsion et automatiquement une attaque nucléaire?
Rien à signaler… pour le moment
Si les services de renseignements occidentaux, les Américains en tête, ne détectent pas à ce jour d’image satellite montrant des mouvements suspects sur le positionnement de bombardiers russes; il n’en demeure pas moins, selon les experts militaires, que Moscou est capable à tout moment d’armer ses missiles. Notamment les missiles supersoniques de la dernière génération, de têtes nucléaires dans ses hangars souterrains et à l’abri des regards. Sans parler bien entendu de sous-marins nucléaires en immersion permanente et impossible à détecter.
Que cache la rhétorique guerrière de Poutine?
Faut-il déduire que la Russie, première puissance militaire dotée du plus gros arsenal nucléaire du monde, avec près de 6 000 têtes nucléaires contre environ 5 500 pour les États-Unis, s’apprête à recourir à l’arme nucléaire pour s’attaquer à l’Ukraine, l’Europe ou les Etats-Unis?
Difficile à croire. Car Vladimir Poutine sait que s’il lançait une attaque nucléaire sur l’Europe ou les Etats-Unis, Moscou ou Saint-Pétersbourg seraient rayés de la carte.
De plus, la Russie n’est pas en position défensive, il serait donc difficile de justifier, même devant son opinion publique, une attaque de l’Ukraine à l’arme atomique. Alors que ce pays en est dépourvu, après son renoncement en 1994 à l’arme atomique dont elle avait héritée de l’ex-URSS.
En revanche, la rhétorique guerrière de Moscou s’interpréterait comme un signal qu’en cas d’ingérence militaire dans le conflit avec l’Ukraine, il se réservait l’option d’utiliser l’arme nucléaire.
Poutine peut-il, seul, déclencher le feu nucléaire?
Reste la question lancinante: dans un moment de folie, l’homme fort du Kremlin serait-il techniquement en mesure de décider, seul, d’appuyer sur le bouton nucléaire?
En vérité, trois personnes détiennent ce qu’on appelle communément la « mallette nucléaire ». Tout d’abord Vladimir Poutine, en tant que président de la Fédération de Russie, possède les accès à cette arme. Puis viennent le ministre de la Défense et le chef de l’état-major général. Mais la règle est celle de l’unanimité pour décider de déclencher le feu nucléaire. Nous voilà en partie rassurés.
Par contre, il semble évident que Vladimir Poutine que l’on dit de plus en plus coupé du monde, plongé dans sa bulle anti-Covid, utilisant une table surdimensionnée pour accueillir ses visiteurs, agite le spectre d’une guerre nucléaire afin de redessiner une nouvelle carte de l’Europe orientale où la Russie ne sera plus encerclée par les forces l’Otan.