L’annonce par les pays occidentaux de leur intention d’exclure les grandes banques russes du système de paiement SWIFT est un coup dur pour les opérateurs économiques qui ont de fortes relations commerciales avec l’héritier de l’URSS. Mais en même temps, c’est une belle opportunité pour certaines puissances, essentiellement l’Inde et la Chine, pour déployer leurs systèmes indigènes qu’elles avaient préparés pour une telle éventualité.
La Chine est le premier partenaire commercial de Moscou. Elle achète un tiers des exportations de pétrole brut de la Russie en 2020. Elle lui fournit des produits manufacturés allant des téléphones portables et des ordinateurs aux jouets et aux vêtements. Les principales banques chinoises s’empressent de s’assurer qu’elles peuvent maintenir des liens commerciaux avec des clients russes sans s’exposer aux sanctions occidentales. L’exclusion du SWIFT signifie sacrifier des milliards d’investissements par les sociétés chinoises.
Le régulateur bancaire chinois a déjà déclaré que le pays ne se joindrait pas aux sanctions occidentales contre la Russie. Par précaution, certaines de ses banques ont cessé d’émettre des lettres de crédit libellées en dollars pour l’achat de matières premières. La Bank of China à Singapour a cessé de financer des transactions impliquant du pétrole et des entreprises russes.
Elles étudient des systèmes de paiement alternatifs ainsi que la possibilité de transférer une partie de leurs activités à de petites banques nationales afin d’éviter de tomber sous le coup des sanctions secondaires. Les petites banques chinoises, qui ne sont pas très présentes à l’étranger, pourraient oser le faire car les Américains ne pourront pas aller en Chine pour les sanctionner. De plus, Pékin dispose se son propre système de paiement transfrontalier dans sa monnaie locale, Cross-Border Interbank Payments System (CIPS).
New Delhi sur les pas de Pékin
En Inde, une commission parlementaire avait déjà soulevé le problème de la confidentialité du SWIFT. Avant le déclenchement de la crise, elle a confirmé qu’elle est compromise et a conseillé au gouvernement d’améliorer la solution SFMS (Structured Financial Messaging Solution) existante pour le transfert de messages intra-bancaires ou d’en développer une nouvelle. La Russie utilise en interne le système SPFS (System for Transfer of Financial Messages), développé après que les Etats-Unis et l’Europe avaient menacé de l’éjecter du système en 2015.
Pour éviter l’accumulation de crédits en roupie ou en rouble, New Delhi compte bien garder l’ardoise propre en encourageant la Russie à importer plus de biens indiens que les autres fournisseurs, surtout avec le blocage attendu suite aux sanctions dirigées par les États-Unis.
Incertitudes pour les cryptos
Que signifie tout cela pour les crypto-monnaies ? Pour le moment, c’est également difficile à déterminer ou à prédire.
Au-delà des discussions sur les prix et des spéculations, si la Russie décidait de se tourner vers les monnaies digitales comme réseau de paiement alternatif, les régulateurs des pays occidentaux seraient soumis à une pression énorme.
De nombreux cadres législatifs existent dans les principaux pays où les crypto-monnaies sont soumises à un examen approfondi. L’année dernière, les principales Bourses de crypto-monnaies s’étant empressées de vérifier leur volume d’échanges dans le but d’éviter des sanctions sévères. Donc, si la Russie utilise la crypto-monnaie, il est évident que les régulateurs seront plus durs.
En même temps, ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. En fait, de nombreux partisans de ces monnaies réclament depuis longtemps une réglementation claire. Les banques centrales sont susceptibles de mettre la crypto dans le même panier réglementaire que les actifs traditionnels, ce qui est une erreur. Des règles claires sont nécessaires pour que le secteur aille de l’avant.
Globalement, la perception est que si les sanctions s’aggravent concernant SWIFT, les principaux partenaires commerciaux de la Russie pourront trouver des moyens de les contourner. Cela explique, en partie, la détermination de Moscou d’envahir l’Ukraine en dépit de toutes les tentatives occidentales.