Si les gros constructeurs traditionnels restent en tête du classement, la crise sanitaire a quelque peu rebattu les cartes. Les marques asiatiques profitent de leur proximité avec les semi-conducteurs pour être livrés pendant que d’autres délaissent les volumes, confortent leurs marges et sont ravis d’avoir baissé dans le classement, à l’instar de Stellantis.
C’est un peu le championnat du monde des constructeurs, version voitures de série. Chaque fin d’hiver, le petit monde de l’automobile planétaire fait ses comptes et se décerne le trophée du plus costaud, à coups de millions de voitures vendues au cours de l’année passée.
Mais après deux ans de pandémie, la donne a changé. Et si les meilleurs n’étaient plus ceux qui vendent le plus, mais ceux qui vendent le mieux?
Quant aux poids lourds des volumes, on s’aperçoit qu’ils sont asiatiques, et moins concernés que les constructeurs occidentaux par la pénurie des semi-conducteurs.
Près des semi-conducteurs, près du cœur
C’est en tout cas le constat que l’on peut faire en observant le classement 2021. Car en gros, peu de choses ont changé par rapport à l’année précédente. Toyota est toujours en tête, avec 10,5 millions de voitures vendues, suivi du groupe Volkswagen. Sauf que le Japonais progresse et que l’Allemand est en légère baisse.
La faute à qui? Pas seulement aux clients qui boudent les autos du groupe germanique, mais bel et bien à la crise des semi-conducteurs. Et lorsque l’on est proche de la source ou ils sont fabriqués (l’Asie), on a beaucoup plus de chance d’être servi en premier.
Cet accès privilégié à l’or numérique qu’est devenu le microprocesseur est confirmé par l’autre asiatique du haut du classement, et qui grignote des places depuis 2019 : le groupe Hyundai-Kia.
Cinquième constructeur cette année-là, il est aujourd’hui en 4ème position, en maintenant peu ou prou ses volumes malgré la pandémie, et malgré la pénurie qui en découle. Encore une fois, la proximité avec les industriels de la région qui fabriquent des semi-conducteurs lui permet de maintenir sa production.
Mais le Coréen a un autre secret: l’intégration maximum. L’énorme consortium qu’il constitue lui permet d’échapper à l’autre crise: l’embouteillage dans les transports maritimes qui allonge les délais de livraison.
Un bouchon géant pour trouver des places sur les cargos que la crise ukrainienne ne devrait pas arranger. Mais Hyundai et Kia n’ont pas besoin de patienter: les bateaux leur appartiennent et ils en disposent comme bon leur semble.
Le constructeur devenu quatrième mondial est ainsi en train de faire un pied de nez géant aux diktats de l’économie mondiale qui explique qu’en dehors de l’externalisation maximum des services, point de salut.
Honda et Suzuki, les pères tranquilles
Deux autres asiatiques se tirent plutôt honorablement du guêpier Covid qui sévit depuis bientôt deux ans. Honda et Suzuki parviennent à conserver leurs parts de marché par rapport à 2020. Mieux: Suzuki, 9ème du classement, a progressé et a produit 300 000 véhicules de plus l’an passé. Honda, de son côté, reste relativement stable après avoir réussi, lui le « petit » constructeur japonais, a dépassé le puissant groupe américain Ford en 2019. Cette revanche des petits est évidemment liée à leur accès privilégié aux semi-conducteurs, mais aussi à leur image de fiabilité. Un sillon qu’ils creusent depuis des décennies et qui portent leurs fruits, malgré une semi-confidentialité très française.
Stellantis, le cancre gagnant
Mais si la cuvée 2021 du classement des constructeurs met à mal la mode économique de l’externalisation maximum avec l’exemple de Hyundai-Kia, elle rebat également les cartes du volume à tous crins qui serait signe de prospérité. C’est ainsi que Stellantis n’a absolument pas progressé en nombre de voitures vendues, bien au contraire.
En 2019, le groupe produisait 7,9 millions d’autos, en additionnant celles assemblées par PSA d’un côté et FCA de l’autre, puisque les deux entreprises n’étaient pas encore liées. Il était alors, théoriquement, le quatrième constructeur mondial. Or, dans le nouveau classement, il n’est que 6ème, avec près de deux millions de voitures produites en moins.
Et pourtant. Les résultats de Stellantis sont à l’exact inverse de cette position à la baisse. Ils n’ont jamais été aussi hauts avec un bénéfice de plus de 13 milliards et une marge de 11,8 %. Carlos Tavares ne pratique peut-être pas la décroissance en termes écologiques, mais en termes économiques il mise plutôt sur la valeur que sur le volume.
Et nul doute qu’aujourd’hui, avoir perdu deux places dans le classement mondial, ne lui pose aucun souci. Pas plus que cette régression n’en pose à ses actionnaires et à ses salariés ravis de se voir octroyer de solides dividendes pour les premiers et une bonne prime pour les seconds.
Par Michel Holtz (Le 01/03/2022)