Après le déclenchement d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine, des craintes ont commencé à apparaître en relation avec notre sécurité alimentaire. La Tunisie est très dépendante des importations de céréales. En 2019, les importations ukrainiennes représentaient, près de 47,7% des importations tunisiennes en blé. Celles de la Russie étaient de 3,97%. C’est ce qui ressort des données publiées sur le site du ministère du Commerce et du développement des Exportations. Cependant, on peut garantir la souveraineté alimentaire du pays sur plusieurs niveaux, grâce au Colza.
« L’atelier national sur les enjeux et les opportunités du développement de la filière du colza en Tunisie », organisé aujourd’hui par l’Institut National des Grandes Cultures (INGC), en partenariat avec la Direction Générale de la Production Agricole et l’Association Pour l’Agriculture durable (APAD), mettait en relief l’importance du colza pour notre sécurité alimentaire et le développement durable. Ainsi que, la nécessité d’exploiter cette guerre pour donner du souffle à l’agriculture tunisienne. Mais avant tout, quelle est la situation actuelle de l’agriculture tunisienne ?
Agriculture tunisienne: état des lieux
La Tunisie a importé en 2020, 47,5% des céréales et 8,6% des huiles végétales. Alors qu’en 2021, le taux a augmenté pour atteindre 52,3% concernant les céréales et 9,7 % des huiles végétales. Donc, la situation actuelle en Tunisie pose un problème particulier pour notre autonomie en principaux produits agroalimentaires importés par la Tunisie.
La Tunisie n’a pas été capable de garantir une indépendance à l’égard des importations céréalières. En effet, elle a réalisé pendant les trois dernières années un taux de dépendance moyen de 65%.
Hiba Fadhlaoui, ingénieur à l’INGC et Mariem Khefifi, Agroéconomiste de l’APAD, soulignent que l’agriculture tunisienne est aujourd’hui confrontée à des problèmes au niveau de l’assolement. En effet, la plupart des champs sont réservés à la monoculture du blé. Ce qui cause la dégradation et la baisse de la fertilité du sol. Mais aussi la faiblesse du rendement national et l’apparition de maladies fongiques.
La filière locale du Colza pour notre indépendance alimentaire
Pour éviter ces problèmes et enregistrer des améliorations, les intervenants ont proposé l’implantation de filière locale et territorialisée du Colza. Ce qui constitue un outil pertinent et stratégique pour notre agriculture, d’une part; et notre économie, d’autre part.
Mais, tout d’abord, qu’est-ce que le Colza? Le Colza est une plante annuelle cultivée pour ses graines dont on tire une huile alimentaire, et un tourteau utilisé pour l’alimentation du bétail.
Lors de cet atelier, les intervenants ont souligné que le Colza présente la solution pour notre avenir. En effet, cette plante permet l’amélioration du rendement du blé en moyenne de 20%. De même que l’absorption de l’eau et des éléments minéraux des couches profondes du sol, grâce à son système racinaire pivotant. Ainsi que, le maintien de l’équilibre des éléments minéraux dans le sol et l’amélioration de la teneur en matière organique. D’ailleurs, le Colza a produit en 2020/2021, 6457,7 tonnes d’huile.
Au plan économique, le Colza permet d’alléger le déficit de la balance commerciale alimentaire. Tout en réduisant le taux moyen de dépendance aux importations céréalières. En outre, il présente des opportunités de réduction de l’importation de l’huile de palm et du tourteaux de soja, dont les prix sont en forte croissance. Améliorant donc la sécurité alimentaire du pays.
De plus, selon cet atelier, la Tunisie peut gagner 500 millions de dinars à travers l’importation. Et ce, si on implantait 100 mille hectares de Colza.
Alors, le but est de créer un cercle vertueux pour l’économie du pays. Avec l’émergence d’une production locale d’huiles et protéines végétales. Ce qui permettra non seulement d’améliorer la productivité des assolements céréaliers; mais également de limiter le recours aux importations des oléo-protéagineux.
Programme Maghreb Oléagineux
Concernant l’implantation du Colza, l’INGC travaille sur le programme « Maghreb Oléagineux ». Il est cofinancé par Terres Univia et l’Union européenne. Ce programme vise, depuis 2019, à promouvoir les semences européennes de colza en Tunisie.
D’un autre coté, ce programme contribue à l’améliorer des connaissances techniques sur les cultures et les semences européennes. Ainsi que l’augmentation de la surface totale en colza en Tunisie. Et le renforcement des relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée.
Les obstacles
Cependant, le secteur du colza connait plusieurs difficultés. Selon le président de l’APAD, Aziz Bouhejba, il y a peu d’inertie de la part de l’administration qui n’arrive pas à évaluer les bienfaits économiques ou agronomiques du Colza. Et ce, malgré toutes les tentatives de l’association et tous les professionnels.
L’Etat tunisien préfère acheter l’huile importée qui est moins chère. De ce fait, les ministères de l’Agriculture, du Commerce et de l’Economie sont appelés à prendre les mesures nécessaires.
« L’atelier national sur les enjeux et les opportunités du développement de la filière du colza en Tunisie », comporte trois sous-ateliers de réflexion. Afin de fournir des solutions et des stratégies pour l’amélioration du secteur du Colza.
Il est à noter que l’APAD est une association créée en 2005 par des agriculteurs. Elle cherche à encadrer l’agriculteur dans un comportement technique, agronomique et durable pour la filière céréalière. Elle travaille sur le projet du Colza depuis huit ans. L’INCG, quant à lui, œuvre à assurer l’encadrement des agriculteurs, l’actualisation du paquet technique de la culture du Colza et la formation des agriculteurs et des techniciens.