Après la hausse vertigineuse des prix du gaz naturel, suite à la crise de l’Ukraine, l’Espagne, soucieuse de garantir son approvisionnement en gaz algérien, est sommée de ne livrer « aucune molécule de gaz » au royaume chérifien. Une exigence que Madrid prend très au sérieux. D’ailleurs, en a-t-elle le choix?
« Pas une seule molécule de notre gaz exportée vers l’Espagne ne doit aller au Maroc ». C’est ce qu’exigerait le ministre algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab de son homologue espagnole, Teresa Ribera. Demandant même « des exigences dans ce sens », selon le quotidien espagnol El Mundo qui révélait le contenu de la discussion entre les deux responsables. A savoir qu’aucun commentaire de cette information ne fusait de manière officielle de la part du gouvernement de Madrid; bien que les médias espagnols la relayaient largement. Lesquels ont largement rapporté les menaces algériennes.
Mais, pour comprendre la vive réaction d’Alger, un retour en arrière s’impose. Rappelons les faits.
Dépendance marocaine au gaz
Sur fond de vives tensions entre les deux géants du Maghreb et à la suite de la rupture des relations diplomatiques en août dernier, l’Algérie décidait en octobre 2021 de ne pas reconduire l’accord sur le gazoduc Maghreb-Europe (GME).
Ainsi, la décision d’Alger de fermer le robinet du GME privait Rabat de gaz algérien. Alors que le Maroc couvrait 97% de ses besoins en prélevant directement du gaz transitant sur son territoire, comme droit de passage. Tout en l’achetant à un tarif préférentiel au géant algérien Sonatrach.
D’autant plus que depuis 1996, l’Algérie expédiait vers l’Espagne et le Portugal environ dix milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, via le GME. En contrepartie du transit du gazoduc, Rabat recevait annuellement près d’un milliard de mètres cubes de gaz naturel. La moitié était des droits de passage payés en nature, l’autre du gaz acheté à un prix avantageux.
Accord en catimini
Par une réaction d’orgueil, Rabat souligna un peu vite que la décision « n’aura dans l’immédiat qu’un impact insignifiant sur la performance du système électrique national ». Et que le Maroc cherche des « alternatives durables, à moyen et long termes ». A savoir que le royaume chérifien comptait sur l’Espagne pour prendre le relais quand à son approvisionnement en gaz naturel algérien. Et un accord entre les deux capitales avait été pris dans ce sens.
D’ailleurs, la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera révélait publiquement en février dernier qu’en termes de négociations discrètes entre le Maroc et l’Espagne pour un contrat d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL), le Maroc avait demandé de « l’aide pour garantir sa sécurité énergétique et l’Espagne avait répondu positivement à la requête ».
Ainsi, le gouvernement espagnol a officialisé le 3 février cet accord. En permettant d’acheminer au Maroc le gaz, à travers le Gazoduc Maghreb Europe que l’Algérie n’alimente plus depuis fin octobre. Et ce, sans donner plus de précisions sur le calendrier ou les volumes de gaz concernés.
Un projet pharaonique
Rappelons d’autre part que le Maroc s’active depuis quelques années à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz naturel. Et ce, pour ne plus dépendre exclusivement de son voisin algérien.
Déjà, lors de sa visite au Nigéria en décembre 2016, le souverain marocain avait convenu avec le président Muhammadu Buhari d’un projet pharaonique. Lequel vise à acheminer le gaz nigérian vers le nord, via un gazoduc reliant le Nigeria au Maroc. Une « autoroute » gazière traversant 11 pays, qui s’alimenteraient et s’approvisionneraient en gaz en cours de route.
D’ailleurs, la Banque islamique de développement a apporté son appui à deux nouveaux contrats autour de ce projet. L’institution, dont le siège est à Djeddah, avait déjà engagé 15,5 millions de dollars pour des études de conception technique préliminaires, à la mi-2021. A savoir que selon certaines estimations initiales, le projet pourrait coûter la somme astronomique de 25 milliards de dollars.