Maintenu sous perfusion, grâce au soutien financier et politique de ses protecteurs internationaux, le parti Ennahdha, composante principale de l’islam politique en Tunisie, n’en finit pas d’agoniser. Il est à l’état végétatif, presque de mort cérébrale. Et ce sont ses propres enfants qui le déclarent. Djlassi, puis Hammami et avant eux Zitoun, qui ont passé leurs vies (plus de quarante ans) à militer dans cette formation politico-religieuse) et puis l’infatigable Dilou. Ils ont tous annoncé la mort d’Ennahdha, de Rached Ghannouchi.
Tous reprochent à ce dernier, de s’être accaparé, lui et sa famille de tous les pouvoirs au sein d’Ennahdha. Et de les avoir ainsi marginalisés, ou tout simplement éliminés, comme Jebali et Mourou.
Mais ce fut un jeune loup, tout en étant plus radical dans ses déclarations politiques, que son ex parrain Ghannouchi, qui annonçait publiquement que lui et certains des ex dirigeants du parti islamiste, allaient créer un nouveau parti politique qu’ils nommeront Essaada; tout simplement et littéralement « Le bonheur »!
Annonce qui fait certainement le bonheur des opposants à Ghannouchi, mais qui fait à coup sûr le malheur de ce dernier! Et pour cause, le seul capital dont il dispose à ce jour, c’est le mouvement qu’il a créé, depuis le début des années soixante-dix. Lequel l’a porté et maintenu au pouvoir pendant dix ans.
Rached Ghannouchi est un mangeur d’hommes, un tueur en politique.
Rached Ghannouchi fait partie de cette génération, issue des mouvements islamistes qui ne tolérera jamais qu’on hérite de lui de son vivant. N’est-t-il pas le « Calife » auquel tous les membres de la mouvance ont prêté serment d’allégeance, à la vie, à la mort; étant le représentant des Frères musulmans. La bay3a ne peut donc lui être retiré. Et il n’est pas question de céder le pouvoir sous prétexte d’alternance et de démocratie interne.
D’ailleurs, tous les dissidents, qui avaient osé se dresser contre lui à un moment de l’histoire de ce mouvement ne finissaient-ils pas par être éliminés de la scène politique nationale et internationale? La liste est très longue pour ne citer qu’Ennaiefer, Jourchi, Hamdi, et plus récemment, Jebali et Mourou.
Rached Ghannouchi est un mangeur d’hommes, un tueur en politique. Et il n’y aura de place autour de lui que pour des courtisans ou des personnes qui tirent un bénéfice matériel ou politique. Comme ce Bhiri qui a compris depuis le début qu’en dehors d’une obéissance totale au gourou, il n’y a point de salut. Rached Ghannouchi est l’incarnation même du despote oriental, qui ne peut tolérer aucune mise en cause de son pouvoir absolu sur ses sujets ou adeptes.
Tout le monde a fini par savoir qu’Ennahdha est dirigé depuis qu’il est au pouvoir par un clan.
Mais depuis dix ans, et donc depuis la prise du pouvoir et la mise sous tutelle de l’Etat tunisien, d’autres facteurs sont venus s’ajouter à l’impossibilité de R.G de céder le pouvoir à quiconque.
Ainsi, comme tous les despotes orientaux, il n’a confiance que dans son propre sang ou sa famille. Tout le monde a fini par savoir qu’Ennahdha est dirigé depuis qu’il est au pouvoir par un clan. A savoir, les enfants, les gendres, les neveux et accessoirement ceux qui appartiennent à la tribu ghannouchienne.
Comme Arafat et d’autres autocrates arabes, il a compris le pouvoir de l’argent. Il est le seul qui décide des donations, des nominations aux postes juteux. Et ce, à condition que l’heureux élu serve la famille d’abord.
En outre, sa fortune personnelle et celle du parti Ennahdha, dont l’importance a été rapporté par plusieurs médias, lui assurent une suprématie totale. Ce qui rend la possibilité de le contester de l’intérieur impossible.
La peur bleue de rendre des comptes
Rached Ghannouchi n’a confiance en personne. Il sait que s’il lâche son parti politique, qui lui a assuré richesse, notabilité et pouvoir, il sera lâché par ses propres adeptes.
Que dire, alors qu’il a comme adversaire résolu Kaïs Saïed, le Président de la République, qui dispose désormais de tous les pouvoirs? Et que le dernier bastion du pouvoir des islamistes, l’appareil judiciaire, vient de tomber, aux mains du pire de leurs ennemis?
Rached Ghannouchi, n’a jamais rendu des comptes, ni dans son propre parti, ni ailleurs. Hormis quelques mois de prison sous Bourguiba, il n’a pratiquement jamais connu les affres des geôles. Il n’est pas prêt à y retourner, quel que soit le prix à payer.
Par conséquent, le seul moyen d’y échapper est de maintenir son contrôle sur Ennahdha. C’est grâce à ce parti, qui n’en est plus un depuis belle lurette, qu’il continue à manœuvrer et à faire des alliances utiles. Ce parti lui a en outre permis de se propulser à la tête du Parlement et de nouer des alliances nationales et internationales.
En outre, il sait pertinemment qu’en cas d’élections législatives, il ne récoltera que quelques strapontins. Situation qui ne lui permettra pas de jouer le rôle clef qu’il a joué pendant dix ans.
C’est donc la défaite cinglante électorale et politique qui l’attend. C’est pour cela qu’il n’accepte pas de revenir aux urnes comme le propose Kaïs Saïed. Continuant sa stratégie visant à le déstabiliser. En essayant d’ameuter l’opinion nationale et internationale contre lui, sous prétexte que ce dernier aurait fait un coup d’Etat.
De plus, l’annonce du calendrier électoral et la réforme du système politique, faites par KS n’arrange en rien les affaires d’Ennahdha et de l’islam politique en général. Car perdant le pouvoir démocratiquement, ils seront obligés de rendre des comptes un jour. Or Rached Ghannouchi n’acceptera jamais cela!
La fuite en avant suicidaire de Rached Ghannouchi
Par ailleurs, l’attitude de Rached Ghannouchi, face à la situation politique créée par la déclaration de KS le 25 juillet 2021, et ses conséquences, est tout simplement suicidaire.
En effet, en tablant uniquement sur le soutien extérieur, Rached Ghannouchi semble frappé par la sénilité politique. Sachant que son mouvement s’effrite, que son capital électoral fond à vue d’œil; et qu’une grande partie de ses lieutenants quittent le bateau ou tournent casaque. Il se mure dans sa citadelle virtuelle et semble déconnecté de la réalité et des rapports de forces.
Et ce, surtout après deux événements majeurs: la dissolution du haut conseil de la magistrature qui lui était acquis; et l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui va changer radicalement l’attitude des Occidentaux à l’égard de Kaïs Saïed. Tout d’abord parce que ce dernier a fait voter la Tunisie pour la résolution présentée par eux contre la Russie. Ensuite, parce que plus que jamais, l’Europe a besoin de la stabilité de la Tunisie, dans une zone en pleine turbulence.
En tablant uniquement sur le soutien extérieur, Rached Ghannouchi semble frappé par la sénilité politique.
Les pressions qu’ils ont exercées ont en outre donné des résultats contraires. Les calculs de R.G tombent ainsi à l’eau, alors que l’étau se resserre autour de lui. A moins de sombrer dans le déni absolu de la réalité, il n’a qu’une seule possibilité: se retirer complètement de la vie politique et « négocier » ce retrait, pour sauver sa tête.
Cependant, l’attitude suicidaire de Rached Ghannouchi surprend plus d’un. Car dans sa longue carrière, il a toujours su plier l’échine devant la tempête; mais pas cette fois-ci. Est-ce l’âge qui le rend moins lucide? Ou a-t-il cru à des promesses tenues par ses protecteurs, selon toute vraisemblance, américains? Si c’est la seconde réponse, il n’aurait rien retenu des leçons de l’Histoire, notamment celle de l’Amérique.