Les échanges commerciaux avec la Russie et l’Ukraine sont importants. En 2021, la Tunisie a importé des biens pour une valeur de 1 382 MTND de l’Ukraine et de 1 498 MTND de la Russie.
Ensemble, les deux pays pèsent 4,6% de nos importations, alors que nos exportations n’ont pas dépassé 70 MTND l’année dernière. L’impact de l’opération Z lancée le 24 février sera, cependant, beaucoup plus coûteux pour nous.
Le prix du blé touche des sommets
Ce déficit colossal avec les deux nations provient de nos achats de céréales. La Tunisie a importé, jusqu’à fin novembre 2021, du blé dur pour 556 MTND, du blé tendre pour 1 038 MTND, de l’orge pour 748 MTND et du maïs pour 725 MTND.
Un petit exercice de calcul permettra de constater que l’Ukraine et la Russie sont nos principaux fournisseurs. Avec la production locale, qui évolue en dents de scie, les minoteries tunisiennes produisent mensuellement plus de 76 000 tonnes de farine et 70000 tonnes de semoule, destinées exclusivement à un marché local accro aux baguettes.
Le problème dans toute cette histoire est que les deux pays en conflit sont deux gros exportateurs de blé, produisant 14% de la récolte mondiale et représentant un peu moins de 30% de toutes les exportations de blé. Ils sont également les principaux exportateurs de maïs et d’huile de tournesol.
« La Tunisie a importé, jusqu’à fin novembre 2021, du blé dur pour 556 MTND, du blé tendre pour 1 038 MTND, de l’orge pour 748 MTND et du maïs pour 725 MTND »
Les craintes concernant les flux d’approvisionnement qui ont augmenté après l’annonce du blocage par la Russie de l’Azov, une mer intérieure reliée à la Mer Noire. L’Ukraine et la Russie ont toutes deux des ports de chargement. L’interdiction faite aux navires commerciaux de se rendre de l’Azov à la Mer Noire aura des répercussions sur les marchés. L’opération en cours menace d’interrompre certaines expéditions internationales de blé, provoquant des pénuries et faisant grimper le prix d’une culture vitale.
Déjà, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement depuis la crise sanitaire ont fait gravir en flèche les coûts alimentaires. Entre avril 2020 et décembre 2021, le prix du blé a augmenté de 80%, selon les données du FMI. Cette hausse est comparable à celle des coûts du maïs et supérieure à celle du soja ou du café.
Le véritable test pour l’approvisionnement alimentaire mondial aura lieu dans quatre mois, lorsque la prochaine récolte de blé commencera. D’ici là, si les agriculteurs n’ont pas pu récolter en raison d’opérations militaires durables, ou si les installations portuaires et les chemins de fer ont été endommagés, la situation sera particulièrement sombre.
Les effets sur les prix mondiaux des céréales dépendront en partie de ce que la Chine décidera de faire. Le géant asiatique importe des marchés mondiaux des quantités massives de maïs, d’orge et de sorgho pour l’alimentation animale.
Il pourrait choisir d’acheter ces produits, ainsi que le blé, à la Russie plutôt qu’à d’autres pays. Dans une telle situation, l’impact des sanctions sur les marchés céréaliers mondiaux serait relativement faible.
« Entre avril 2020 et décembre 2021, le prix du blé a augmenté de 80%, selon les données du FMI »
Fin février, la Chine a commencé à approuver les importations de blé russe, qui étaient bloquées depuis longtemps en raison des préoccupations de Pékin concernant les champignons et autres contaminants.
La Chine est apparue comme l’un des partenaires commerciaux potentiels les plus solides de la Russie, en cas de nouvelles sanctions de l’Occident. Les dirigeants chinois ont refusé de condamner l’invasion russe en Ukraine, même s’ils ont également appelé au respect de la souveraineté nationale.
Pour la Tunisie, l’enveloppe dédiée à la compensation des matières de base est de 3 771 MTND pour 2022. Ce qui risque d’être insuffisant si les prix de ventes restent intouchés.
Les métaux s’envolent, environ 70% de la production ukrainienne d’acier sont destinés à l’exportation, notamment vers l’Europe, la Turquie, l’Asie et l’Afrique. La situation actuelle aura sans aucun doute un impact sur les prix. Cette semaine, deux sidérurgistes ont placé leurs usines en mode maintenance.
Ensemble, ils produisent plus de 10 millions de tonnes par an. Les usines sont situées dans la ville portuaire de Marioupol, sur la mer d’Azov, et se trouvent dans la partie de la région de Donetsk.
En outre, ArcelorMittal a également déclaré qu’il allait ralentir la production au minimum technique. Le producteur a arrêté la production dans ses mines souterraines. Cette usine, située dans la région de Dnipropetrovsk, peut produire environ 6 millions de tonnes d’acier brut par an.
« Pour la Tunisie, l’enveloppe dédiée à la compensation des matières de base est de 3 771 MTND pour 2022 »
Par ailleurs, toute campagne militaire prolongée aura de graves répercussions sur les exportations annuelles de minerai de fer de la Russie et de l’Ukraine, qui totalisent près de 70 millions de tonnes.
Le conflit intervient au plus mauvais moment, puisqu’avec la fin des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, le rebond des taux d’utilisation des capacités des hauts fourneaux chinois devra entraîner une diminution plus rapide des stocks de minerai de fer dans les ports et offrir un soutien supplémentaire aux prix.
Sur les onze premiers mois de 2021, nos achats extérieurs de fer et d’acier ont totalisé 2 207 MTND. Pour faire tourner les industries, nous avons également besoin d’autres produits, ce qui va gonfler les coûts des importations et creuser le déficit de la balance commerciale. Les prix de tous les métaux vont grimper, alors que nous dépendons des marchés extérieurs. Pour une matière comme le cuivre, nos achats jusqu’a fin novembre dernier ont atteint 1 354 MTND, celles d’aluminium 676 MTND.
Le pétrole brûle
Mais le début était avec le pétrole qui a réagi immédiatement ; le brent a touché un sommet à 105,79 dollars. Les contrats à terme sur le pétrole ont continué à augmenter après une forte volatilité depuis le 24 février. Le marché évalue actuellement une libération internationale coordonnée des stocks de brut.
Les inquiétudes concernant le resserrement de l’offre surviennent, alors que de grandes compagnies pétrolières et gazières, dont BP et Shell, ont annoncé leur intention de se retirer des opérations et des co-entreprises russes.
La Russie, qui qualifie ses actions en Ukraine d’opération spéciale, exporte quelque 4 à 5 millions de barils par jour de brut, et 2 à 3 millions de barils par jour de produits raffinés.
Les acheteurs de pétrole russe sont également confrontés à des difficultés de paiement et de disponibilité des navires, alors que les sanctions occidentales en réponse à l’invasion de l’Ukraine prennent effet.
La Tunisie, dont l’enveloppe de subvention des carburants s’élève à 2 891 MTND cette année, devra augmenter les prix de vente, puisque le budget a été basé sur un baril à 75 dollars. Chaque dollar additionnel coûte au pays 137 MTND. Ce qui risque de faire exploser le déficit budgétaire.
L’impact sur le budget est profondément négatif. Avec la double révision à la hausse des prix du carburant, les prix vont flamber. L’inflation devra persister et le taux directeur aussi. Socialement, c’est une crise à gérer et nous avons déjà vu les difficultés de s’offrir de la semoule ces dernières semaines.
Entre un Président de la République qui refuse de toucher aux ménages vulnérables et un gouvernement qui doit trouver un minimum d’équilibre, nous ne savons pas comment on parviendra à s’en sortir.