Hier, cela s’est mal passé. Très mal en effet. Pas d’accord pour un cessez-le-feu bien que fragile, pas de trêve; et même pas d’avancées sur l’organisation de couloirs humanitaires sûrs.
La rencontre en Turquie entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie et de l’Ukraine, Lavrov et Kuleba, n’a abouti à aucun résultat.
A cela s’ajoutent les mots du président russe Vladimir Poutine : « Les conséquences d’une guerre économique auront des répercussions sur l’Occident lui-même ». Ainsi déclarait le chef du Kremlin à la télévision d’Etat. Et d’ajouter: « Les prix du gaz et du secteur agroalimentaire vont augmenter. Tandis que la Russie s’organise déjà pour faire face à la crise de manière autonome. » Les sanctions ont été surmontées dans le passé « et elles le seront aussi aujourd’hui. Cela gagnera notre indépendance et notre souveraineté ».
Vers un face à face Poutine-Zelensky
Cependant, nous devons nous concentrer sur les faits plutôt que sur les déclarations. On s’accroche à cela. Alors, c’est un fait que pour la première fois, deux représentants de haut niveau des parties en présence se sont rencontrés sur un troisième terrain. Puisque la Biélorussie de Loukachenko, doublement liée à Poutine, ne l’était pas. En outre, ils ont pu exposer leurs raisons face à face.
La guerre, ou plutôt « l’opération militaire » comme disent les Russes, avait commencé à « dénazifier » l’Ukraine selon les responsables politiques et militaires. Mais à Antalya, il a en fait été « forcé » de parler directement avec Dmytro Kuleba, le ministre des Affaires étrangères du « gouvernement nazi » de Kiev. Un signe que les choses ne sont pas allées aussi loin que Moscou l’espérait.
Hier, c’était une première rencontre. « Nous avions besoin d’un début. Et, si nous continuons sur cette voie, ensemble, nous pouvons obtenir un résultat ». C’est ce que commentait le ministre turc des Affaires étrangères Cavusoglu. Expliquant qu’il travaille pour une réunion au sommet. Cela signifie un face à face Poutine-Zelensky, dont peut dépendre le sort du conflit. Selon Cavusogli, « Kuleba a dit que le président Zelensky était prêt pour cela ». Puis Lavrov a rapporté « que le président Poutine n’était pas contre en principe ».
Si une vraie négociation commence, elle ne peut se faire que de cette manière. A savoir avec une rencontre entre les présidents ukrainien et russe; et avec Erdogan comme médiateur.
L’essentiel d’une éventuelle négociation
L’enjeu principal d’une éventuelle négociation entre Ukrainiens et Russes est la neutralité de l’Ukraine, selon un ancien journaliste correspondant de Moscou et du Moyen-Orient. « Dans un certain sens, les deux ennemis sont d’accord sur les conflits dans la moitié du monde », estime-t-il. La grande différence réside dans l’interprétation du principe. Les Ukrainiens sont prêts à reporter sine die leur entrée dans l’OTAN; un peu moins l’ambition de rejoindre l’Union européenne.
Poutine: un plan avant de s’asseoir à la table des négociations?
Au moins six grandes villes russes se retrouvent sous le feu des bombes en ces heures. Avant tout accord, Poutine semble avoir un plan: conquérir au moins deux villes qui l’empêchent d’atteindre le résultat minimum de la campagne militaire ukrainienne. A savoir le contrôle total de toute la côte sud, avec ou sans Odessa.
Si Volnovacha et Marioupol (villes clés) tombent aux mains des Russes, le Kremlin pourra dire qu’il a uni le Donbass à la Crimée. En s’emparant de toute la mer d’Azov et en rétablissant l’approvisionnement en eau et en électricité de la péninsule occupée en 2014. De ce fait, pas de « triomphe », cela semblait déjà impossible deux jours après le début de l’invasion. Mais un résultat tangible à offrir à son peuple pour ne pas paraître vaincu.
Une longue guerre en Ukraine est insoutenable pour la Russie, qui a tout à perdre (en pertes et économiquement). Selon les experts militaires de l’OTAN, pour prendre et tenir l’intégralité du territoire ukrainien, la Russie devrait constamment déployer 600 000 soldats. Soit une mobilisation insoutenable pour toute puissance militaire.
D’autant plus pour un pays courbé par les sanctions, qui ne produiront tous leurs effets que dans les mois à venir.
« La Russie devrait constamment employer 600 000 soldats : une mobilisation insoutenable pour toute puissance militaire »
Les forces ukrainiennes n’ont pas l’intention de baisser les bras: la bataille de Marioupol devient la bataille clé de toute la guerre. On compte déjà plus de 1 000 morts dans la ville et de nouvelles fosses communes sont creusées. Car, il n’est plus désormais possible d’emmener les corps dans les cimetières extérieurs à la ville.
Combien de semaines, de mois l’invasion peut-elle continuer? Le Pentagone estime que les pertes russes se situent entre 4 et 6 mille. Les funérailles des « morts de l’opération militaire spéciale » commencent à être célébrées dans les villes russes.
L’armée russe, dans son histoire récente, n’a jamais eu une moyenne quotidienne de morts sur le terrain comme elle le fait aujourd’hui en Ukraine (également basée sur des données officielles fournies par Moscou). Jusqu’à ce que les affrontements en Ukraine puissent être présentés à l’opinion publique russe comme une « opération spéciale » et non comme une guerre dévastatrice et épuisante.