L’expert économique, Ezzedine Saidane, affirme que le versement des salaires de la fonction publique ne pose pas de problème. Par contre, la question, pour lui, est comment financer le versement des salaires et quelle serait la valeur du dinar tunisien? Il s’exprimait ce matin sur les ondes radiophoniques de la Radio nationale.
Ezzedine Saidane rappelle qu’au mois de janvier la panique se sentait à cause d’un retard considérable des salaires. Puis ce fut le retour à la normale au mois de février, par le versement des salaires.
Expliquant ce qui s’est passé, l’expert affirme que l’État n’a pas honoré ses engagement du mois de février relatifs au remboursement de l’endettement local prévu pour le 2 février (651 millions de dinars). Ainsi, il précise que certains montants d’endettement local ont été reportés pour 2033. « Nous sommes dans une spirale de rééchelonnement de la dette locale qui parait facile. Contrairement au rééchelonnement de la dette extérieure », lance-t-il.
Commentant le Compte courant du Trésor au 10/03/2022 (944 MDT), il affirme qu’il s’agit d’un montant dérisoire par rapport aux dépenses de l’État qui atteignent 130 millions de dinars quotidiennement.
En ce qui concerne les réserves en devise (129 jours), « une journée équivaut à 160 millions de dinars d’importation ». Alors, l’essentiel pour lui est la source des réserves en devise. Dans le même sillage, il rappelle que la première source de réserve en devise est l’exportation. « Mais nous savons qu’il existe un grand déficit commercial, donc la source n’est pas l’exportation », regrette-t-il.
Quant à la deuxième source, il s’agit des recettes touristiques. « Nous connaissons la situation du tourisme en Tunisie », continue-t-il.
Enfin, la troisième source des réserve en devise est l’investissement direct étranger. « Il n’existe pas malheureusement en Tunisie ».
En outre, l’intervenant cite une autre source. A savoir les transferts des TRE en devise. Sachant que ces derniers « continuent à faire des transferts en devise en Tunisie avec des montant importants ».
« La cinquième source, la plus mauvaise des sources, est l’endettement extérieur. Notre argent provient de cette source à savoir l’endettement extérieur ». Ezzedine Saidane affirme que le nombre des jours de devise ne doit pas baisser à moins de 90 jours. Surtout que l’importation des médicaments et des hydrocarbures nécessitent à elles seules 90 jours d’importation. Il ne faut pas oublier l’importation de la matière première et d’autres produits. « Il fut à un certain temps ou nous disposions de réserves en devises suffisantes pour sept voire huit mois d’importation », lance-t-il.
Revenant sur la valeur des billets et monnaies en circulation au 10/03/2022 (17371 MDT), l’expert affirme qu’il s’agit d’un chiffre dangereux. Il rappelle qu’en 2010, le marché avait besoin uniquement de 6,5 milliards de dinars. Maintenant, il a besoin du triple de ce montant. Selon lui, cela est dû à la propagation de l’économie parallèle qui présente un danger pour l’économie nationale.
Sur un autre volet, il affirme que 22% des crédits bancaires sont octroyés à l’État. « Les banques ne sont pas faites pour financer le déficit de l’État; mais pour financer l’économie et pour créer de l’emploi. Ce qui a crée « un effet d’éviction et l’institution économique a été éliminée ».
« Les banques ont été bloquées, car elles ont atteint leurs capacités maximales d’octroi de crédit à l’État. Maintenant, elles sont tributaires de la capacité de l’État d’honorer ses engagements », étaye-t-il.
Revenant sur l’inflation, Ezzedine Saidane affirme que « nous avons proposé à la Banque centrale de Tunisie de mettre en place un programme de sauvetage pour l’économie tunisienne en période de Covid-19, à l’instar d’autres pays. Mais la BCT a affirmé que sa mission consiste à maîtriser l’inflation uniquement ». D’ailleurs, M. Saïdane considère que la BCT n’a pas le droit de répondre ainsi. Car « la politique monétaire, soit elle est au service de l’économie, soit elle ne l’est pas. Que ferais-je d’elle si elle n’est pas au service de l’économie! » A cet égard, il affirme que la BCT est indépendante par rapport au gouvernement et non pas par rapport à l’État.
« Le résultat est bel et bien là. A savoir: une économie en situation de récession profonde; -9% en 2020; et une faillite de plus de 80 mille des institutions économiques. Pourtant nous n’avons pas encore maitrisé l’inflation qui atteint 6,7% », lance-t-il.
Par ailleurs, il prévoit la hausse de l’inflation à cause du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Car cette guerre impacte directement le prix des hydrocarbures. Lesquels impactent à leur tour le coût de production de tous les produits et ceux des céréales. « Cela ne m’étonnerais pas que l’inflation atteigne 10% avant la fin de l’année », regrette-t-il.
Revenant sur la situation sociale, il cite des chiffres officiels relatifs à la pauvreté. Ainsi, quatre millions de Tunisiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Tandis que 1,5 million de Tunisiens vivent sous le seuil de l’extrême pauvreté. Soit un tiers des Tunisiens en situation de pauvreté et plus d’un dixième des Tunisiens vit sous le seuil de la pauvreté extrême. Tel qu’établi par le classement de la Banque mondiale. Ce qui correspond à moins de 4 dinars 800 par personne par jour. Et pour l’extrême pauvreté moins de trois dinars par jour par personne.
« Une économie qui laisse une grande ou une petite catégorie des citoyens en marge, et qui ne sont pas concernés par le développement, est une économie désespérée », conclut-il.