Lors de la présentation des résultats de l’étude d’opportunité et de faisabilité de la « Bourse des matières premières », un panel a été organisé aujourd’hui à la Bourse de Tunis sur le thème: « Une Bourse de commodités, une solution pour les deux filières pilotes oléicole et phoenicicole et une opportunité de développement et de modernisation pour l’économie tunisienne ».
Les producteurs d’huile d’olive souffrent de l’irrégularité de la récolte. Les exportateurs font face à l’offre et à la demande à l’échelle internationale, à la problématique du financement et aux aléas climatiques. Est-ce que la Bourse des matières premières apportera des solutions pour la filière oléicole?
En réponse à cette question, Chiheb Slama, président de la Chambre nationale des exportateurs d’huile d’olive, a souligné que le problème pour l’huile d’olive est au niveau des liens entre les maillons de la chaîne des valeurs. « Ces liens ne sont pas formalisés. Ils sont conjoncturels, et ce, en fonction notamment du marché international. Pour les opérateurs, chacun ne se concentre pas sur ses propres difficultés. Ce qui pose un problème au niveau de la performance de la valeur ajoutée nationale », estime Chiheb Slama.
Et d’ajouter que la Bourse des matières premières apportera de la transparence aux transactions et de l’équilibrage de la valeur ajoutée. Notons qu’il y a déjà une bourse informelle au niveau des prix. Sur le plan des financements, Chiheb Slama fait savoir qu’il y a un besoin d’investissements technologiques et un recentrage des producteurs sur leur corps de métier et sur l’optimisation des ressources.
« Des sources de financement supplémentaires pourraient aider à investir davantage dans l’optimisation et la stabilisation des ressources. Cette Bourse permettra certes aux petits producteurs d’avoir un accès plus souple aux marchés. Elle permettra aussi d’éviter la spéculation », dit-il.
S’adressant aux banquiers, Chiheb Slama a souligné qu’il faut réformer la méthode de financement. Celle-ci doit être de plus en plus liée à un stock qui deviendra lui-même une garantie. « L’avantage pour les filières de l’huile d’olive et des dattes par rapport à toute la filière agricole est qu’elles sont liées à un large marché international où ces deux filières apportent une importante valeur ajoutée ».
Les banquiers à l’écoute
Comment mettre en place des produits financiers qui répondent aux besoins de financement et devenir un acteur contributeur à la réussite de cette Bourse ?
Nabil Madani, directeur général de la Zitouna Bank, a rappelé que l’histoire a montré que la monnaie était « une monnaie marchandise ». « Nous, banquiers, nous considérons la marchandise comme garantie. Souvent, on reproche aux banquiers de ne pas prendre de risque, mais notre politique consiste à prendre des risques mesurés et calculés. On est là pour accompagner l’économie tunisienne qui est à la base une économie agricole », affirme Nabil Madani.
Et d’ajouter que « la Bourse des matières premières est une nouvelle voie qui s’ouvre à nous tous. La finance islamique finance le monde réel. Aujourd’hui, nous finançons les campagnes de dattes et d’huile d’olive. La Bourse des matières premières nous donnera d’autres ailes. Nous pouvons par exemple prévoir des Sukuks. Cela permettra à un particulier de financer des campagnes de dattes ou une campagne oléicole à travers la Bourse ».
Mondher Lakhal, directeur général de la BNA, a tenu à rappeler que le financement de l’activité agricole au sein de la Banque nationale agricole (BNA) est en forte croissance (+51% en 2021), notamment au niveau des crédits de campagne pour les petits agriculteurs.
En effet, « cela reflète la volonté de financer l’agriculture. Il faut noter que le banquier a toujours besoins de visibilité. L’instauration d’une Bourse des matières premières est avant tout un important moyen d’inclusion financière, notamment pour les petits opérateurs qui ne disposent pas de capacités nécessaires aux négociations au sein des banques. Cette Bourse permettra ainsi de toucher une frange plus large d’agriculteurs », souligne Mondher Lakhal.
« Cette nouvelle Bourse permettra-t-elle aux banquiers d’avoir la visibilité qu’ils cherchent et l’entreposage des marchandises certifiées par des laboratoires de qualité ? », s’interroge le DG de la BNA.
Rôle de l’ONH dans la stabilisation des prix et le contrôle de la qualité
L’ONH dispose d’un savoir-faire incontestable dans le domaine de l’huile d’olive. Peut-on dire que cet office jouera le rôle qui lui est assigné, celui d’entrepôt agréé et de confiance sur cette Bourse des matières premières en Tunisie ?
Pour répondre à cette question, Kamel Ben Ammar, directeur de la normalisation et du contrôle de la qualité à l’Office national de l’huile (ONH), a rappelé que l’ONH est l’un des principaux acteurs de la filière huile d’olive en Tunisie.
« L’ONH peut intervenir dans la Bourse des matières premières. L’expérience réussie de l’ONH en 2020 témoigne de son rôle dans la stabilisation des prix de l’huile d’olive. Et ce, lorsque l’office a assuré le stockage pendant six mois d’importantes quantités avec un contrôle qualitatif qui a permis aux opérateurs de la filière de bien gérer leurs stocks dans les meilleures conditions. Tout dépend aussi de l’importance de la représentativité à la future Bourse. J’appelle ainsi tous les opérateurs à adhérer à la Bourse des matières premières. Plus leur nombre est important, plus cette Bourse sera efficace », précise Kamel Ben Ammar.