La force inédite des mesures de la relance budgétaire et monétaire dans les économies avancées a permis une reprise rapide en 2021. Toutefois, la croissance connaît un fléchissement en 2022 et les pressions inflationnistes sont déjà élevées et en hausse. Une inflation plus élevée et une croissance du PIB plus faible sont qualifiées de stagflation et constituent l’une des situations les plus difficiles à gérer pour les banques centrales.
Un resserrement de la politique monétaire et des conditions financières semble encore nécessaire afin d’éviter que les prévisions d’inflation dans la zone euro ne se désencrant en réponse à l’inflation la plus élevée depuis la mise en place de l’euro.
En effet, les données fiables du début de l’année ont incité la Banque centrale européenne (BCE) à adopter une position ferme lors de sa réunion en Février, et d’autres mesures sont attendues lors de sa réunion prévue en Mars.
Cependant, la situation économique a désormais connu un changement radical avec l’escalade des tensions géopolitiques vers un conflit en Ukraine. Par conséquent, nous sommes confrontés à un choc stagflationniste qui aura un impact sur la zone euro, essentiellement par le biais d’un choc de l’offre sur les marchés des produits de base, notamment l’énergie, les engrais et les céréales. Nous explorons cette semaine les principaux facteurs influents la politique de la BCE, les perspectives d’inflation, de croissance et les risques.
Tout d’abord, les prix de l’énergie ont flambé avec l’escalade du conflit, les prix du pétrole en Europe ayant augmenté de plus de 75 % depuis la mi-février (graphique 1).
Compte tenu des réserves limitées et des contraintes d’importation, nous estimons que le prix du pétrole demeurera désormais élevé, ce qui se traduira par des pressions inflationnistes à court terme.
Toutefois, la répercussion sur les prix à la consommation sera probablement limitée grâce à une conjonction de réglementations et d’aides gouvernementales par le biais de mécanismes tels que le plafonnement des prix et les subventions.
Bien que de grandes incertitudes persistent, nous estimons à présent que l’inflation culminera à plus de 6 % cet été, avant de retomber à 5 % d’ici la fin de l’année (Graphique 2). Ce chiffre est bien supérieur à l’objectif d’inflation de 2 % de la BCE et pourrait obliger cette dernière à resserrer sa politique malgré une croissance plus faible du PIB et une incertitude accrue.
Deuxièmement, l’impact principal sur la croissance du PIB se manifestera par l’effet de la hausse des prix de l’énergie sur les dépenses de consommation, en dépit d’un léger effet amortisseur des politiques de soutien du gouvernement. Le choc de la croissance négative résultant de la réduction des exportations devrait être faible, car la zone euro n’exporte pas beaucoup vers la Russie et l’Ukraine.
Toutefois, l’impact du resserrement des conditions financières pourrait être plus marqué en raison des perturbations occasionnées par les sanctions et la chute des cours des actions. Ce qui entraînerait une baisse aussi bien des dépenses que des investissements.
Le fait que la zone euro ait entamé l’année avec une dynamique positive solide, se remettant de l’impact de la variante Omicron, représente un facteur positif. Nous prévoyons également une augmentation plus importante des dépenses publiques pour soutenir la croissance du PIB. Pris ensemble, ces facteurs nous amènent à croire que la croissance de la zone euro sera désormais inférieure d’environ 0,5% par rapport aux prévisions du FMI pour le mois de Janvier, qui tablait sur une croissance de 3,9% en 2022.
Troisièmement, nous sommes manifestement face à une période d’incertitude et de risques élevés. En termes d’inflation, de PIB et de politique monétaire dans la zone euro, le principal risque est d’une perturbation de l’approvisionnement en pétrole pendant une période prolongée.
Ces perturbations pourraient avoir un impact sur la production industrielle, Goldman Sachs estimant que le PIB pourrait être réduit de 1% en Allemagne et en France, et de 3% en Italie.
Dès lors, nous estimons que les risques penchent clairement, et de manière significative, vers le bas quant aux perspectives du PIB de la zone euro par rapport au scénario de base décrit dans le paragraphe précédent.
En résumé, nous pensons que la poursuite par la BCE de sa politique ferme en mars affaiblira davantage les perspectives économiques et exacerbera les risques évidents de baisse.
Par conséquent, nous estimons qu’une détérioration de l’environnement macroéconomique contraindra la BCE à observer une pause pour reprendre son souffle au cours de l’été, voire ne plus pouvoir mettre fin aux acquisitions d’actifs avant septembre.
Au cas où des mesures de relance complémentaires seraient nécessaires, en raison de la cristallisation des risques de dégradation, elles proviendraient vraisemblablement davantage de la politique budgétaire que de la politique monétaire.
Toutefois, la BCE devra maintenir les taux d’intérêt à un niveau suffisamment bas et les conditions financières suffisamment souples pour soutenir la viabilité de la dette et offrir une marge de manœuvre budgétaire aux gouvernements.
(Analyse QNB)